La musique métal résonne et vibre dans l'appartement du Runner. Il n'est que 7h du mat' et il commence déjà fort sa journée en vidant son second verre de gnôle et en réveillant les voisins de son étage avec le son outrageusement élevé. Le fait-il exprès ? Sans doute. Pourquoi ? Parc'que l'alcool lui fait croire que c'est cool. Il a l'impression de taire ses démons intérieur grâce à la musique. Il ne les entend plus. Un vieil holodisque tourne dans sa platine laser SONY. Le son de Tragedy Machine qui se voulait déjà avant-gardiste à l'époque est aujourd'hui plus véridique que jamais.
Noa assit à sa table du séjour la tête baissée au dessus de son verre vide, les yeux perdus dans le fond de celui-ci sans aucun éclat de vie revoit la scène de l'accident encore et encore. Il entend sa fille crier son nom alors que la foule les sépare à jamais. La main tendue vers elle, il voit sa chevelure blonde briller au soleil et son regard triste et effrayé à la fois le supplier de la rattraper. Subitement, le lieutenant se lève de sa chaise qu'il fait tomber violemment en arrière et il envoie son verre exploser contre le mur du fond. Avec un cri rageur, il vient frapper la table de son poing humain pour ne pas risquer de briser sa deuxième table en un mois s'il la frappait de son poing amélioré. Il reste immobile un instant et failli sursauter lorsque son portable s'est mit à sonner. Il fonce vers son vieil imper' et il décroche. C'est son boss. Un mouvement de foule perturbe encore le marché dans le ghetto et il faut qu'une petite unité se rende sur place pour débarrasser les lieux. Pour l'appâter il lui fait voir que sans doute des mutants se cacheraient parmi les perturbateurs... Ce qui n'est sans doute qu'un leur pour le faire se bouger de chez lui. Mais ça marche. Noa enfile son manteau et claque la porte d'entrée en coup de vent sans même prendre le temps d'éteindre la musique.

Une fois sur place, il constate alors les faits. Des jeunes trou du cul sont là en train de militer contre Pinxit et ses méfaits. Les banderoles volent au dessus de leur tête. Les tags s’amoncellent sur les murs. Les gamins montent sur les étales des commerçants et saccagent ce qu'ils peuvent. Comme si leur action allait avoir un impact quelconque contre le géant de la robotique. Noa qui n'aime pas faire dans la dentelle sort alors son flingue et tire deux fois en l'air. C'est radical. La foule se disperse en moins de trente secondes et au passage il attrape une jeune fille par le bras qui ne lui est pas inconnue.

« Oh non... Pas encore toi... Dit-il dans un soupire de dépit. Bon allez... J'te ramène chez toi. »

Il la tire alors derrière lui sans la lâcher de peur qu'elle ne s'enfuie avec toutes ces raclures avec qui elle traîne ses derniers temps. Il l'emmène vers son véhicule de fonction... Personnel ? Il ne fait plus la différence. Il la fait s'asseoir à l'arrière de son impressionnante Juggernaut lui passe un casque, le seul qu'il possède et ne met jamais- et il monte ensuite devant elle et démarre dans un baroufle d'enfer. Ouaiiis... Que j'aime ce son... Pense-t-il en son for intérieur. L'agent des Runners met les gaz et fonce en direction du bloc où vit la mère de cette pauvre inconsciente. Et c'est presque 15 minutes plus tard en zigzaguant entre les badauds qu'ils arrivent à destination.

Sans plus de cérémonie, il la fait descendre de véhicule et alors que l'ado garde un air fermé voir revêche, il la conduit au second étage par les escaliers et sonne deux fois avec empressement. Qu'est-ce qu'il fout encore là ? Il a fait son job, et même plus... Alors pourquoi s'emmerder à aider cette gamine qui s'évertue à vouloir suivre un mauvais chemin ? Tiré de ses pensées par la porte qui s'ouvre, Noa revient à lui et se rend compte que la mère de la jeune fille est déjà dépitée rien que par sa simple vue. Notre homme se surprend à étudier de bas en haut la femme qui vient d'ouvrir la porte. Belle, fine, longiligne, un visage splendide et un regard profond et séduisant. Il se rend compte qu'elle vient de lui poser une question et il se reprend pour lui répondre :

« Euh... Ben... Oh vous savez... Rien de bien méchant. Elle traîne avec les mauvaises personnes au mauvais endroit... J'ai préféré ne pas laisser le diable la tenter et je vous l'ai ramené avant qu'elle ne fasse une véritable bêtise. »

Tiens, il ment. Pourquoi ? Pour protéger la petite ? Pourquoi faire ? Il s'en fout de cette gamine... Mais dans le fond... N'a-t-elle pas l'âge de Lisa...?

Elle fut incapable de dire ce qui la troubla le plus. Les mots du blade runner ou la façon qu’il eut de les lui dire. Elle sentait cet homme étrangement sympathique, pour une raison qu’elle ne comprenait pas. Des fois elle était un peu naive quand même, mais à sa décharge, ces dernières années le contact avait les hommes avait été somme toute limité.

- Oh et bien merci….

Elle lui sourit un peu stupidement. Puis son regard toisa ensuite sa fille, qui semblait un peu surprise. L’adolescente grommela quelque chose, un truc tout à fait incompréhensible. Les lèvres de Iona se tordirent alors en une moue.

- J’imagine que j’ai pas le droit de sortir d’ici une semaine, répliqua Kirstin à sa réplique muette.
- D’ici deux mois peut-être? suggéra Iona du même ton pincé qui laissait entrevoir son exaspération.
- Hein ?!
- Et j’crois que je suis gentille.
- T’es surtout très chian….

Des gros yeux lui firet oublier illico ce qu’elle voulait dire. Arrêtée net dans sa tirade insultante, elle décida de réorienter son attaque.

- T’as bien entendu ce qu’il a dit, j’trainais juste avec des potes.
- Oh tu veux dire tes chers amis….Bon d’accord tu sais quoi on en reparlera plus tard.

Pas devant cet homme. Elle ne se sentait pas prête à faire une scène en face d’un étranger, encore moins de montrer quelle piteuse autorité elle était capable d’avoir. Ses yeux lancèrent suffisamment d’éclairs pour mettre fin à cette discussion houleuse. Sa fille haussa les épaules et finit par filer direction le fond de l’appartement, non sans avoir lancé un “bon j’me tire hein” et haussé les épaules de façon totalement hardie. Ils l’entendirent ouvrir un des placards, sans doute pour y puiser de quoi manger, et refermer le dit placard tout aussi vite, en faisant bien entendu claquer la porte.

- Désolée pour la scène. J’imagine que vous étiez pas venu pour ça….

Sa main passa de sa joue au plat du cadre de la porte, dans une tentative d’assurer une certaine stabilité à son corps. Pas qu’elle aille tomber dans le foulée, mais elle sentait déjà ses pieds bouger, l’un après l’autre, dans un ballet effréné. Enfin pas vraiment effréné. Juste nerveux.

- J’essaye de la contenir vous savez mais c’est difficile. J’vous promets qu’elle vous embêtera plus.

C’était un mensonge gros comme la citadelle, ou une très grande naiveté. Iona ne savait plus quoi faire. Tout ce qui était à l’extérieur de leur vie était bien plus attractif aux yeux de Kristin que tout ce que lui proposait la maitresse des lieux. Excepté plonger avec elle dans les sombres délits de la mafia, mais ça Iona ne le voyait pas d’un bon oeil.

- En tout cas merci beaucoup, je ne sais pas comment vous remercier….Un café peut-être? C’est pas de la meilleure qualité, mais je n’ai pas beaucoup de choses à vous proposer….

Ah peut-être qu’elle n’avait pas totalement oublié les techniques de charme après tout. Elle lui sourit, mettant de côté le fait qu’il était le blade runner, l’ennemi, et songeant au plaisir que cela lui procurait, celui de briser une solitude pas toujours évidente à porter.