Dans les locaux de Sanéhul, il y avait cette odeur d’opium qu’elle n’avait jamais aimée. Ca lui faisait tourner la tête. Elle renifla de dédain alors qu’elle marchait le long du l’immeuble. Mais c’était sans doute plus dû à l’hostilité qu’elle ressentait envers le propriétaire des lieux qu’à un réel mépris pour ce qu’il tramait. Revenons quelques temps en arrière pour expliquer l’histoire. Nous sommes une poignée d’années en arrière, et Qian recherche des gens de confiance pour prendre soin de ses filles. Iona semble être une recrue de choix pour s’occuper de ce travail délicat. Mais elle résiste aux chants de sirène de l’homme, qui lui assure un travail bien rémunéré. Pourquoi? Sans doute cela outrepassait ses convictions. Et pourtant dans le ghetto, les convictions étaient ce qu’il y avait de plus éphémère. Et de moins suivi. D’ailleurs elle même avait fini pour travailler pour la mafia, mais dans quel chose de moins excessif, du moins lui semblait-il. C’était peut-être pour cela qu’elle s’était fourrée dans cette histoire cette fois-ci. C’était un plan qui avait toutes les chances de foirer, peu importe sous quel angle elle regardait. Alors qu’est-ce qui l’avait poussé à le faire? Peut-être les yeux humides de cette fille, ou les os qui saillaient sous le tissu de sa tenue légère. Mangeait-elle suffisamment ? Il n’en fallait pas plus à Iona pour imaginer les possibles contraintes qu’on imposait à ces filles.

- Psss….

Une voix l’interpella dans l’ombre depuis une haute fenêtre et Iona suivit la direction indiquée. La porte était verrouillée. Pas vraiment de soucis. Elle sortit ses outils. Elle se glissa ensuite par l'entrebâillement de la porte après avoir crocheté la serrure de celle-ci. Cette fille était là, perchée telle Juliette, demoiselle en détresse attendant...qui, son sauveur? Iona n’avait pas les muscles du prince charmant mais la demoiselle ferait avec. Elle revoyait encore dans ses yeux le mélange d’émotions. L’espoir et la peur s’y mêlaient. L’espoir de filer enfin. La peur de se faire prendre. Mais l’envie de liberté était plus forte, et elle avait fait des pieds et des mains pour persuader Iona de l’aider.

Maintenant elle était à l’intérieur, fourrée dans le pétrin jusqu’au coup, et à défaut de faire demi-tour pour filer de là -idée qui ne tarderait pas à lui passer par la tête-, elle poursuivit son chemin. Le minuscule et vieux vestibule l’accueillit, lui réservant une impression glacée. L’endroit était sale et délabré, aux yeux du ghetto. Sans doute pas aux quartiers du maitre des lieux. Ni de ceux qu’on offrait aux clients. L’escalier n’était pas mieux, et le fourbe grinçait sous chacun de ses pas. Elle se tendit, essayant d’étouffer du mieux qu’elle pouvait le son, qui pourtant sembler raisonner dans l’espace vide. Quand elle arriva en haut, atteignant l’étage où l’attendait la jeune femme, elle chercha la bonne porte et appela doucement.

- Eh Kathie ouvre-moi… souffla-t-elle.

La porte s’ouvrit rapidement, et elle rentra prestement dans la chambre, dont le mobilier laissait un peu à désirer. Un lit, une petite table avec une assiette vide, un seau dans un coin et une couverture jetée au sol en un petit tas informe. Elle ne s’y attarda pas, la jeune femme demandait déjà son attention. Elle voulait filer d’ici sans attendre, et Iona dut prendre quelques secondes pour la calmer.

Ensuite elle ouvrit la porte et après avoir jeté un coup d’oeil pour vérifier que personne n’était là, elle se retourna vers la demoiselle, et lui fit signe de la suivre.
A pas de loup, elles s’avancèrent jusqu’à ce que soudain l’ombre surgisse. Et tandis que la demoiselle retenait à grand peine un cri, elle se contenta de plisser les lèvres de mécontentement.

Pas qu’elle ne fut pas inquiète, mais c’était pas vraiment le moment de flancher. Elle se contenta de regarder l’homme.

- Bonsoir Qian….