Préambule:

Le courrier s'empilait sur mon bureau et ma boite de réception menaçait de dépasser le cap fatidique des trente réponses en retard. Je ne pouvais pas me relâcher maintenant. J'avais encore beaucoup à faire si je souhaitais contenter tous ces gens et le début de soirée était déjà entamé. Quelques mails furent vite expédiés, réponses standardisées, mais il en restait cinq que je conservais pour la fin qui nécessiteraient un traitement plus en profondeur.

Parmi les courriers dont j'estimais la gestion relativement simple s'en trouvait un émanant d'un certain Mr. J., un admirateur secret. J'estimais inutile de le décourager. Après tout, la raison de ma présence en ville était de fédérer les volontés, autant en profiter.

Je sélectionnais une réponse standardisée convenable et la personnalisais :  

Cher Mr. J,

Permettez-moi de vous remercier pour votre lettre. Il est rare de recevoir des courriers aussi enthousiastes et nous apprécions toute l’implication du votre. Vous voir autant admirateur du travail que nous effectuons pour plaire à chacun de nos clients est une réelle satisfaction.

Comme vous le savez, Pinxit Industrie s’efforce d’apporter ce qu’il y a de mieux à l’ensemble de ses employés, que ce soit en termes d’éducation ou de technologies et les qualités esthétiques ou comportementales que vous louez dans vos propos en sont le fruit. Nous investissons afin que chacune des personnes qui nous font confiance puisse recevoir une récompense à la hauteur de leur engagement vis-à-vis de nous.

Nous croyons fortement que c’est par la volonté de chacun de se dépasser et par l’ambition d’atteindre ses objectifs, aussi haut soient-ils, que nous serons demain en mesure de construire un futur pour nos enfants.

Vous trouverez ci-joint la liste des causes solidaires dans lesquelles Pinxit Industrie s’engage ainsi que les dates des différents évènements publics où nous prévoyons d’intervenir. Nous espérons pouvoir compter sur votre soutien en ces occasions.


Sincèrement,
Calice Wentworth
Chargée de Relations Publiques

Un courrier vite expédié.
Je passais rapidement au suivant sans plus m'en préoccuper.

Note:

Un silence de mort dominait, et avec elle l'obscurité. Cette pièce, petite pièce sans fenêtre, juste un bureau et une chaise roulante.

"ouh ouh ouh... AH AH AH!"

La porte s'ouvrit, laissant entrer la lumière dans ce qu'il appelait son bureau, temporaire peut-être. La lampe se mit à grésiller, elle n'avait pas l'habitude d'être allumée, après tout un bureau c'est ennuyeux.

La créature filiforme fit quelques pas dans la pièce, sautillant presque. C'étais évident, il était excité, joyeux et son sourire immense. Il s'installa sur la chaise roulante et d'une pression avec ses jambes il traversa la salle jusqu'à son bureau.

Il regarda une dernière fois l’enveloppe intact avant de la sentir, mmh... Pas de parfum, encore trop timide pour ça?
Mais elle avait répondu, et ça c’était déjà incroyable! Sa plume, son art, sa verve avait donc tant attiré son intention qu'elle avait été incapable de ne pas répondre. Elle? Oui, elle. Cette belle inconnue si connue croisé sur du papier dans une ruelle, cette affiche délavée lui donnait l'air d'être blanche comme de la porcelaine, comme lui. Depuis il avait enchaîné les apparitions télévisées de la belle, apprenant à la connaître sans jamais lui parler.

Il avait apprit à reconnaître ses manières, ordonnées, réglées, mesurées, peut-être même préparées à l'avance! Et il y avait quelque chose de louche là-derrière, les gens d'en hauts sont-ils tous ainsi? En tous cas celle-ci allait changer, il l'avait décidé, elle allait connaître la liberté.

Avec son coupe-papier il ouvrit l'enveloppe, et posa ses yeux sur le lettre. Buvant chaque mots, tapant des pieds sur le sol à chaque syllabe comme si il s'agissait d'une chanson.
Si quelqu'un avait été présent dans cette pièce, il aurait senti l'ambiance changer, peu à peu, le bonheurs disparaître à chaque coup de plus en plus atténué sur le plancher, il aurait compris qu'il fallait quitter la salle, rapidement.

C'étais décevant, énervant! Une... une réponse si froide... et complètement hors-sujet! Il n'étais pas un stupide donateur attendant un courrier de remerciement! Elle avait raté tous les mots doux, tous le romantisme de sa lettre? Il n'avait pas été asses direct?

"Rrrrrraaaaaaaaah" fit-il en sautant de son fauteuil, pas de sourire sur son visage, avant d'attraper ce même fauteuil et de le fracasser sur le bureau, une fois, deux fois, trois fois, en particulier sur la lettre elle même.

"Aaaaaaaaaaaaaaaaah! Saloperie de Bureaucrate, Sale Bourgeoise coincée, Stupide Calculatrice organique, Inutile Ignarde sans talent! Je te hais! Je te hais! Tu verra si je t'attrape, je te forcerais à sourire, et si par malheur tu refuserais de rire, alors je te ferais hurler! Raaaaaah"

Il balança le fauteuil sur la porte en la voyant s'entre ouvrir, le type derrière compris parfaitement le message: pas maintenant. La respiration forte, les veines gonflés, le crâne prêt à exploser.

"Donnez moi un flingue, je vais me faire sauter la caboche!"

Un autre bruit derrière la porte.

"DÉGAGE!"

C'étais un mauvais jours, un des pires moments, les épisodes psychotiques de ce genre n'étaient pas communs mais indéniablement brutal. Il ramassa le lettre tombée au sol, la froissa de toute ses forces avant de s'arrêter sur une révélation.

"Mmmmh" Un grand sourire se dessina à nouveau sur son visage "On est pas le Premier Avril par hasard?"

Ce n'étais pas le Premier Avril, mais c’était une excuse pour relire cette lettre.
Oui! Oui! C'étais évident! Mais quel imbécile! Désolé petite chaise roulante, pour t'avoir fais ça, papa s'excuse.

Il attrapa un stylo vert, son favori et commença son œuvre.







Ahahah! Mais bien sûr, comment avait-il pu douter de l'intelligence de cette belle créature, elle avait codé son message pour ne pas dévoilé aux dangereux agents de l'ordre établi de connaître ses véritables intensions!

C'étais décidé, cette lettre sera la première décoration murale de son bureau, mais avant... Il attrapa un papier vierge et commença