Prise de pouvoir

Lloyd était entré dans l'entrepôt vide d'un pas rapide, il avait traversé la salle sans quitté du regard l'homme en face de lui. Un éclat froid dans le regard, il était prêt pour la Vérité. Il était déjà haut placé au sein des Leninskaïa avec son frère. Jumeaux de l'ombre, ils s'étaient fait une réputation dans un réseau de vente d'arme de poing. Ils n'avaient rien à envier à personne. Discrets, habiles et combatifs, ils n'avaient jamais échoué. Mais ils étaient prudents, ils savaient comment agir, ils savaient quelle mission accepter. Ils étudiaient les options, ils prévoyaient tout. Ils étaient excellents. Mais ce jour là, il y eu une bavure. Du sang sur les murs.

Les autres personnes présentent dans la grande salle vide laissèrent passer le Corbeau, craintifs face à cette froideur tranchante. Ils avaient laissé libre le passage. Il ne fallait pas s'interposer.

Devant lui, Lloyd regardait son supérieur. Le parrain de la branche à laquelle il appartenant. Celui qui avait commandité cette mission. Celui qui était responsable. Le Corbeau ne connaissait pas tout les détails, il ne savait pas le « pourquoi » mais il connaissait le résultat. Une image imprimée en son âme le lui rappellera toujours, à jamais. Un hurlement viendra toujours vriller ses tympans et faire couler ses larmes. Mais il en pleurait pas, pas à cet instant.

-C'était une mission suicide.

Sa voix était calme, il maîtrisait totalement ses pulsions, ses sentiments. Il était le maître. Mais le parrain en face de lui, l'homme au sommet le regardait avec amusement. Il se délectait de la situation. Un corbeau était tombé au combat.

-Il connaissait les risques.

Un ton paternel et peut-être un petit peu réprobateur. Le Corbeau a été relayé au rang de mouche envahissante. Il se mit doucement à secouer la tête. Une dénégation constante. Ce n'était pas possible. Le jumeau a toujours été le plus intelligent, il était le plus réfléchi, il était celui qui prévoyait tout. Il n'aurai jamais dû accepter.

-Quelle était la récompense ?

Le parrain avait haussé les épaules, comme si il ne voulait pas savoir ou divulguer. Difficile à dire. Mais pour Lloyd, c'était le coup de trop. Jamais la deuxième aile n'aurait accepté sans une carotte plus importante que sa propre vie. Jamais il ne se serait jeté dans la fosse aux lions sans l'avis de son frère. Cette situation n'aurait jamais dû se produire. Et pourtant, il en était là. Le souffle glacé de son frère lui frôlait encore la joue alors qu'il enlevait la veste de son costume noir. Il revoyait le regard vitreux en se débarrassant de ses boutons de manchettes.

En face de lui, le parrain avait commencé la même démarche. Il savait ce que ça voulait dire. C'était la fin d'un règne.

A l'instant où le veston avait touché le sol, le parrain s'était jeté en avant, les poings armés. Lloyd n'était pas un pacifique de base. Il se défoulait dans les salles de sports sombres et miteuses de Moscou. Il passait plusieurs heures à taper dans des sacs de sable jusqu'à ce que ses poings soient inutilisables. Il avait de la pratique et ça s'était confirmé alors qu'il envoyait un premier crochet dans le visage de son supérieur. Pas un son n'était sorti de leurs bouches respectives. Les spectateurs n'avaient entendu que le bruits des impacts et les os qui craquent. Le sang avait coulé du nez ou d'une arcade. Une lèvre avait été fendue et l'homme au sommet était à terre. Lestement, le Corbeau s'était assis sur les hanches de son adversaire et sans briser son masque de marbre, il avait continué de frapper. Inlassablement. Il avait frappé encore et encore, il avait continué quand l'inconscience avait prit le parrain, il avait continué quand le sang de son ennemi éclaboussait son visage. Il avait continué jusqu'à ce qu'aucun souffle ne franchisse encore les lèvres éclatées de celui dont il venait de prendre la place. Puis il s'était levé, il avait ramassé sa veste et l'avait revêtu sans se soucier une seule seconde du sang qui s'étalait sur ses mains. Il avait rattaché ses boutons de manchette avec une lenteur calculée et s'était dirigé vers la sortie. Un silence de mort avait envahi la pièce. Seul le son de ses pas était audible. Il ne s'était pas retourné, il n'avait pas regardé en arrière mais pourtant, juste avant de passer la porte il s'était adressé à ses nouveaux subordonnés :

-Faites le disparaître.

Sur ces mots, il avait disparu. Il savait alors que ses ordres seraient respectés à la lettre, il s'en était assuré en tuant le précédent parrain. Il avait prit la place de l'homme au sommet, le Corbeau dominait. Lloyd avait alors de noirs desseins pour sa branche de la Leninskaïa, il avait trente ans et il venait de perdre le seul être qu'il avait un jour aimé.