Il était un parrain, il avait d'énormes responsabilités. Une pression terrible sur les épaules et le modèle de certain. Mais surtout un grand problème de violence, de pulsion brutale et de colère à libérer. Lloyd avait besoin de se défouler régulièrement, il avait besoin de sentir le sang, avoir l'odeur de fer autour de lui. Que ce soit le sien ou celui d'autrui, il n'en avait rien à faire tant que la couleur carmin pouvait se montrer. En général il préférait s'esquinter dans sa salle de sport miteuse, de se détruire les poings sur sur un sac de sable. Il avait toujours aimé l'anonymat que lui conférait quelques gros bras en sueur juste là pour se défouler. Le Corbeau pouvait abandonner son masque de marbre, il pouvait se détendre. Il avait le droit ici de hurler de rage et de s'acharner sur ce sac qui ne lui avait rien fait. Personne pour le juger, personne pour reconnaître le mafieux. Pas ici ou si c'est le cas, personne pour venir lui en parler. La planque idéale.

Ce jour là, il était torse nu, les mains enroulées dans des bandes blanches pour protéger ses phalanges et en pantalon de sport noir. Ses cheveux sont attachés en queue de cheval et son costume de mafieux, son costume trois pièces est au vestiaire, avec tout les soucis qu'il porte. Lloyd était d'un gabarit plutôt moyen, finement musclé sans être sec, il était dans la norme. Loin du bodybuildé et de la crevette, il se place correctement bien qu'il fasse pâle figure au milieu des autres.

Le Corbeau avait commencé à taper dans son sac de boxe, s'éclatant enfin les phalanges. La sueur vint bien vite perler à son front, son souffle se fit rapidement plus maîtriser et ses grognements le libérèrent. Mais se fut de courte durée.

Un inconnu s'était approché et l'avait apostrophé de manière bien cavalière. Dans un geste presqu'insolent, le mafieux s'était essuyé le visage du dos de la main en jugeant son interlocuteur. Qu'est ce qu'il faisait là ? Comment on ne pouvais pas comprendre l'exercice du sac de sable ? C'était invraisemblable.

Il revêtit son masque de marbre avant de répondre.

-Vous n'avez qu'à frapper dans le sac. Si vous le souhaitez il y a des gants dans le bac derrière nous. Faites cependant attention, ce sac est sur pied, le retour peut être plus où moins violent selon la force de votre coup.

Le Corbeau s'était reculé pour laisser la place à l'inconnu.

-Je m'interroge sur la manière dont vous pouvez ignorer l'utilisation d'un simple sac de box. D'autant plus que votre carrure à l'air habitué à l’entraînement.

Un Blade Runneur ? Juste un sportif ? Il ne cherche pas plus loin.

Blayne sentit son instinct s'activer. Cet homme était plus qu'il ne semblait être. Il n'aurait su dire comment ni pourquoi il le savait, alors même que rien dans son attitude ne le supposait, il en avait l'infime conviction. C'était toujours troublant quand ce genre de sonnette d'alarme venait hurler dans sa tête comme pour l'avertir d'un danger. Bien qu'il y fut habitué après toute ces années, cette sensation de menace imminente restait toujours aussi désagréable pour le dvoïnik paranoïaque.

Avec toutes les peines du monde, Blayne la mit en second plan et écouta les conseils de son interlocuteur qui avait pris la peine de lui répondre. Sans dire un mot, le membre des Aberrations se dirigea vers le bac et en extirpa deux gants de boxe jugés à sa taille et qu'il enfila en silence. Puis, toujours sans prononcer la moindre parole, il se positionna devant le sac et s'apprêta à donner le premier coup quand son professeur improvisé l'interrogea sur la raison de son ignorance dans cette discipline.

Au lieu de répondre immédiatement, Blayne afficha un sourire goguenard et frappa sèchement le sac qui vibra et se pencha légèrement avant de revenir dans sa position initiale. Le dvoïnik se sentait toujours aussi frustré quand quelqu'un ou une situation lui rappelait son retard provoqué par la séquestration imposée par son père pendant dix ans. Blayne avait parfaitement conscience de ce décalage qu'il lui donnait la méchante impression d'être un pauvre idiot. Et les Aberration ne l'aidaient franchement pas à combler son retard. Sauf, peut-être, Sky qui lui faisait parfois des exercices de gym pour développer son agilité. Mais la plupart du temps, on lui faisait faire de la musculation ou on l'entraînait à la maîtrise d'armes en tout genre.Le reste, Blayne se devait d'apprendre par lui-même.

- Disons que je suis peu sorti de chez moi jusqu'à récemment (Ce qui était un euphémisme), finit-il par répondre. Et j'ai priorisé d'autres domaines comme les altères.

Blayne frappa pour la seconde fois le sac d'un coup plus fort. Le retour fut plus violent et força le dvoïnik a esquivé pour ne pas se le prendre dans la figure. Par réflexe, il cogna dérechef tout en esquivant avec une agilité assez déconcertante pour un débutant. Sauf quand on sait qu'il possède la souplesse et les sens d'un canidé, bien sûr.

Spoiler:

Lloyd n'avait jamais été la personne vers qui se tourner pour apprendre. Il avait une très mauvaise méthode d'enseignement pour ne pas dire aucune. Son frère jumeau s'était toujours chargé de ça, pas le Corbeau. C'était trop de mots inutiles, le terrain était le meilleur formateur. Mais il l'avait observé se choisir des gants. Il n'avait rient dit d'autre, n'avait pas changer l'expression froide de son visage. Il avait observé le jeune homme comme il choisissait ses légumes : dans une indifférence totale. Il avait observé en silence le premier coup, il avait entendu plus qu'écouter la réponse à sa question. Réponse dont il avait fini par se foutre éperdument. La vie d'autrui ne l'avait jamais intéressé, il essayait parfois pour pouvoir séduire quelqu'un mais souvent, s'était le silence qui l'entourait, le mystère dans lequel il se drapait qui prônait, qui plaisait. Il n'avait jamais eu qu'à faire semblant de s’intéresser et le tour était joué. Et encore, semblait était un bien grand mot. Il avait toujours été fidèle à lui-même.

Il l'avait observer quelques temps l'autre jouer avec son sac et il s'était finalement ennuyé. Il était venu se défouler, oublié son costume, oublié le vide infini qu'avait laissé son frère parti avant lui, oublié sa galerie d'arme. Oublié qu'il était parrain. Qu'il tuait sur un ordre et sauvait rarement. Il voulait juste penser à son frère, à sa vengeance et à sa colère. Il avait fini par laissé tomber ses propres gants. Mettre sa santé et son visage en danger pouvait sûrement lui faire du bien et celui qui tapait en face de lui ferait un très bon compagnon. C'était tout ce qu'il recherchait. Il s'était posé pas loin de celui à la mâchoire de métal et avait eut un petit raclement de gorge pour attirer l'attention.

-Ca serait étonnant, à mes yeux, que vous vous contentiez d'un simple sac de sable.

Il désigna un ring, derrière lui. Il ne payait pas de mine, était un petit peu sale, peut-être même bancale mais il pouvait faire le travail.

-Est ce que vous seriez intéressé par échanger quelques coups ?

Lloyd ne demande jamais en général. On obéit à ses ordres dès qu'il ouvre la bouche pour le peu qu'il l'ouvre. Il n'attendis donc pas la réponse de son interlocuteur avant de se diriger vers le ring et de bander consciencieusement ses phalanges et ses doigts. Une fois fait, il monta sur le ring, prêt à en découdre.

Il n'est plus mafieux, il n'est plus riche, il n'est que Lloyd.

Blayne poursuivait ses frappes dans un rythme presque régulier. Un cou, légère esquive pour éviter le retour du sac, nouveau coup. Et ainsi de suite. Il était entré dans une cadence presque hypnotique qui lui fit pratiquement oublié ce qui se passait autour de lui. Sentir ses muscles partir à la rencontre du sac, le sentir lui résister contre ses phalanges à travers le gant avait quelque chose de libérateur par son côté presque mécanique et répétitif mais ça laissait tout loisir de laisser son esprit vagabondé au fil des pensées.

Bien qu'il n'eut jamais fait cela auparavant, l'Aberration frappait sur ce sac comme s'il savait boxer depuis toujours alors qu'il n'en était rien. Son instinct et ses sens sur-développés le guidaient pour bouger comme il fallait et cogner au bon moment pour esquiver ensuite d'un mouvement du haut du corps.

Ce qui le fit arrêter fut la voix du type qu'il avait abordé. Aller sur le ring ? songea Blayne. Il tourna la tête dans cette direction et avisa l'estrade encerclées de cordes élastiques. Le Dvoïnik dû admettre que l'idée lui paraissait alléchante. Il lui était déjà arrivé de se battre à mains nues. En particulier contre Skylar avec qui ces échanges à coups poings s'avéraient fréquent. Malheureusement pour Blayne, il n'avait jamais réussi à battre cet enfoiré d'américain. Repenser à celui qu'il appelait Bratja lui rappela sa frustration qui l'avait poussé à venir dans cette salle de sport. Oui. Un combat au corps à corps avec cet homme serait un bon défouloir pour expulser ce qu'il avait sur le cœur.

- Ouais. Ça peut se faire, fit l'Aberration d'un ton désinvolte.

Il retira ses gants et les balança dans la caisse avec les autres.

- Allons-y !

Sans même attendre que son futur adversaire le suive, Blayne marcha d'un pas assuré jusqu'au ring pour ensuite passer sous les cordes et grimper sur l'estrade. La perspective de se dégourdir et de se changer les idées en tapant sur quelqu'un le rendait presque euphorique.

Il avait envie de jouer. L'adolescence qu'il n'avait jamais vraiment quitté le rendait souvent insouciant et prêt à toutes les folies sans songer aux conséquences. Dans ce moment-là, il ne pensait qu'à une chose : ses envies du moment.