1998 – Hurlements infâmes jaillissant d’entre les cuisses d’une mère esseulée. Naissance de la créature horrifiée, côtoyant un monde de misère. Patriarche désabusé, l’enfant vagabonde dans les sombres ruelles de la ville pour dérober quelques pièces à des silhouettes manipulées. Pauvreté perpétuelle, elle se nourrit d'une rage grandissante, d'une haine larmoyante.
2012 – Cris incessants résonnants entre les ruelles de la ville. Crasse mêlée au liquide rougeâtre, la lame s’immisce entre les chairs des aïeux. Paternel écroulé, maternelle abusée, les visages sont déformés par l’effroi. Tapie dans les ténèbres, l’enfant n'est qu'une ombre encastrée sur le macadam. Un fantôme égaré sur les pavés. La mort s'invite, s'immisce et s'attache à chaque parcelle de sa peau pour la graver jusqu'à la nuit des Temps. Carmin maquillant ses mains juvéniles, les lèvres s'agitent et murmurent des louanges à la cruauté, à l'adversité naissante. L'agonie marque sa cervelle à l'encre rouge, c'est la fabrication du monstre d'aujourd'hui.
2021 – Agonie du palpitant face au carnage à venir. Le cœur est en proie à un sentiment méconnu, d'un amour inconnu. Elle s'agite face à elle tel un cavalier noir, grandiose et miraculé. Bête magnifique, fruit de la bratva, elle tombe dans ses filets. La Podolskaïa et ses jolies catins. Mouza, la muse de ses nuits. Femme de joie, le visage est d'une tristesse absolue. Un sombre miroir que sont ses yeux. Un regard pullulant désolation et chagrin. Elle s'imagine sauver cette demoiselle des rues, la sortir d'une misère familière. La ménesse s'unit à son corps dépouillé de tout espoir pour de longues nuits agitées. Chaleur adorée, elle se laisse manipuler par les douces paroles de la muse vile. Comme ébahie, elle en oublie l'enfant du pays, qui était endeuillée par la perte de son sang. Il n'y a plus que les promesses éphémères de cette demoiselle passagère.
2025 – Elle s'évapore entre ses phalanges tremblantes. Frappée par un poison familier, quelques gouttes versées dans une eau empestée par quelques souillures. Disparue, son corps n'est qu'une poupée désarticulée qu'elle écrase contre sa chair. Elle ne la lâchera jamais, qu'elle songe, alors qu'un parfum putride emplit ses poumons. Femme en proie au désarroi, elle hurle au désespoir et à la rage. À l'injustice et à l'infamie. Solitaire désormais, il n'y a plus que le mépris pour combler le creux béant logé entre sa poitrine. Un cœur brisé, naufragé du passé. Elle s'enfonce dans l'agonie, dans un travail brut et côtoie les géants de ce monde. C'est le début d'une renaissance grandiose qui s'annonce, d'un futur qu'elle fera sien.
2027 – Il est le patriarche perdu. Dynaste attendu. Corps et âme, elle plonge dans ses manipulations et se noie dans les machinations. Un dévouement absolu pour le servir, elle n'a d'yeux que pour l'homme aux allures de monstre. Volkmar, fils des Puissants et démon de ses sombres cauchemars. Un cœur de pierre qu'elle vénère, un amour tordu qu'elle lui vouera pour l'éternité. Prise entre ses griffes, comme aveuglée par la splendeur du Diable, la femme est coincée entre deux étaux. Poupée manipulée, elle s'oublie, rongée par l'acariâtre. Fascination étrange, elle vacille entre la femme enragée et la gamine endeuillée. Pantin, elle n'est plus qu'une docile chienne qui courbe l'échine.
2033 – Richesse dorée qu’elle grapille et gaspille. Impitoyable créature qu’elle incarne avec la rage d’antan ; fruit de sombres années écoulées, d’un passé révolu et révolté. Citadelle grandiose dans laquelle elle déambule telle une déesse tombée des cieux. Des souvenirs d’antan qu’elle enfonce au plus profond de sa cervelle pour ne garder que les espoirs à venir, les échelons à gravir. Par-delà les paysages, l’horizon vacille et lui laisse un sentiment de victoire mêlé à un goût d'amertume. L’enfant de la misère est enterré, c’est la femme nouvelle, puissante et impitoyable, qui règne désormais.
2042 – Un visage qui hante ses nuits. Soupirs inanimés, elle est une succube s'accrochant à sa chair tendre. Dévorant chaque morceau de sa peau pour en soutirer la moindre étincelle de vie. Tombée sous le charme d'une beauté sans nom, elle irradie. Katrina, entremêlée de murmures radieux. Richesse de l'amour, gloire de toujours. Un bonheur qui lui laisse une étrange sensation dans sa caboche. Un espoir qu'elle fait renaître tandis que le palpitant se remet à battre lentement. Grossière erreur, car la femme infâme broie son cœur et le réduit à néant. Sombre amante croisée dans les bras du mentor. Volkmar l'horrible, qu'elle se jure de ramener à l'état de poussières. Un tas de cendres dans ce monde qu'elle rendra ruines. Trompée et désabusée, il n'y a plus que la solitude et le mépris pour l'accompagner lors de ses nuits d'accalmie. Promesses éternelles de ne plus jamais céder à la tentation ; la furie renaît.
2046 - Les monstres se dressent devant elle ; d'horribles créatures jadis humaines, désormais mercenaires. Chiens enragés qu'elle manipule à sa guise, les yeux ne sont qu'admiration, fascination, pour ces créatures qu'elle a fait renaître. Des aberrations qui portent leur nom à merveille, qu'elle songe, alors qu'elle place ses pions sur l'échiquier. L'adversaire qu'elle évince, Rakovski n'est plus qu'un souvenir. Sombre reine, le regard est rivé vers l'avenir prometteur, l'avenir dévastateur. Elle n'a qu'une cible, le roi maudit, jadis mentor, désormais adversaire. Cruauté de l'âme qui n'est que noirceur, l'armée jonche les rues de Moscou la magnifique. Un désordre sur lequel elle régnera bientôt lorsque la tête du roi tombera dans la fange. La partie commence, qu'elle clame, игра началась.