COME HAVE SOME FUN

source ft Kirill Lvov

Chacune de ses rencontres avec les membres de la Bratva se font sous le manteau, dans des lieux publics, souvent bondés, mal fréquentés, où il pourra aisément se mêler à la foule, s’y perdre. Ce n’est pas le premier ni le dernier Blade à demander des trucs à la Bratva. Tous le font. Aller aux putes, récupérer des infos, monnayer de l’alcool de qualité pas cher, c’est le genre de trucs auquel s’adonne la plupart des Blades. Et comme la Bratva aime à savoir ses clients satisfaits, elle se plie au désir de discrétion de ses clients. C’est quand il a commencé à touché à la drogue qu’il a cherché à faire ça discrètement. Fatalement, les conséquences ont finit par se voir. Mais Kirill n’était pas con, tant qu’il continuait son boulot et était discret, il n’aurait rien à craindre. Alors il restait vigilent, aux doses qu’il prenait comme à ses rendez-vous dans l’obscurité d’une ruelle. Il avait fait ça au début, mais plus maintenant. C’est trop cliché et surtout dangereux, allez savoir sur quoi vous pourrez tomber.

Mais quand il a dû songer à reprogrammer sa puce pour éviter de finir en camp, il a dû mettre les bouchées double sur la discrétion de ses rencontres. D’autant que c’était une branche qu’il connaissait peu. Une fois ou deux il avait cherché des renseignements auprès d’eux. Les hackeurs sont utiles, il ne dit pas le contraire, d’ailleurs il doit bien admettre qu’auprès d’eux il s’amuserait comme un p’ti fou. La matrice, c’est le genre d’endroit où l’on s’éclate. Il est déjà venu aux paradis artificiels, a pu profiter de tous les services qu’ils offraient. C’est pas aussi bien que se taper une vrai nenette mais c’est quand même pas mal. Le dvoïnik voyait bien tout l’intérêt de la chose, et le pouvoir qu’ils détenaient. C’est juste que lui, il n’avait carrément aucun talent en la matière. Il devait leur faire totalement confiance et c’est ce qui l’avait rendu pas mal nerveux la première fois. Quand le type lui avait dit qu’il y aurait une prochaine fois, il avait grincé des dents. Il aurait aimé qu’une fois suffise.

Ayant délaissé son pardessus, il avait enfilé un sweet à capuche et par dessus une fourrure adoptant un style guetto qui l’aurait fait passer pour un dealer. Typique des tenues adoptée par les blade runner quand ils étaient en infiltration. Le rendez-vous était dans une galerie technique, typique des hackeurs. Le blade runner descendit avec prudence. Quand on parlait de souterrain, immédiatement on pensait à nouveau barbare et il était difficile de s’ôter cette image de la tête. Kirill peu habitué des lieux et nerveux se pointa largement en avance, lui donnant l’occasion d’étudier la faune locale. Il était donc adossé à un mur attendant son rencard avec un air soupçonneux porté à la ronde. Une nouvelle silhouette apparue, le visage mangé par l’ombre de sa capuche, difficile à savoir si c’était lui. Sachant que Kirill avait adopté encore un look différent qu’à leur dernière rencontre, il serait difficile au hackeur de le reconnaître. Il scruta alors la foule, ce nouvel arrivant, notant que ce dernier faisait de même, il finit par s’approcher et enlever les lunettes colorées qu’il portait. « Je suis là, allons-y. » lâcha-t-il n’ayant guère envie de s’éterniser ici.

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source ft Kirill Lvov

Le regard que lui jeta le jeune hackeur en disait long sur la réussite de son déguisement, mais Kirill n’avait pas besoin d’être rassuré à ce sujet. Ce domaine, il le maîtrisait pleinement. Il se sentait comme un poison dans l’eau quand il fallait adopter une identité, qu’il fallait devenir autre, se noyer dans la masse. Ce qui le tracassait, c’était ce qu’il ne maîtrisait pas, le domaine de l’informatique, de cette puce, et de tout ce qu’elle pouvait faire, lui nuire, le trahir. Chaque citoyen était désormais surveillé, scruté, et le moindre signe de faiblesse, de mutation, de trahison vous valait un voyage direct en enfer. Le gouvernement, l’autorité, prétendait envoyer les dvoïniks dangereux à l’extérieur, en Sibérie. En vérité, il les gardait précieusement dans ses camps de régression. Toute cette manne de cobaye dont Pinxit peut tirer ses nouveaux joujous qu’ils vendront à prix d’or, impensable de s’en passer. Kirill savait ce qui l’attendait. Les camps, les expériences, le lavage de cerveau pour rendre plus docile, les tortures sous différentes formes. Il en avait entendu parler, l’avait vu de ses yeux, même s’il voulait détourner le regard, ne pas songer à ce qu’il s’y passait, sachant que sa sœur y était, y avait été, il ne pouvait pas. Et à présent, ça l’attendait.

Sa porte de sortie c’était ce jeune gringalet qui le regardait avec un air narquois. Ce dernier regarda sa montre, dévoilant un bras à la pâleur inquiétante comme le reste de sa personne d’ailleurs. Le blade runner leva les yeux au ciel en l’entendant le taquiner. Kirill savait que c’était pas ici qu’il allait opérer, il n’avait rien sous la main, et ils étaient à la portée de n’importe quel curieux, surtout de dangereux individus venant ici pour faire des choses pas très légales. Kirill baignait dans ce milieu, il ne craignait pas les criminels, il en faisait parti, quelque part, mais il n’aimait pas le fait d’être à découvert. Quand le jeune homme allait l’opérer, il sera alors quasiment à nu. Kirill détestait cela, et n’avait aucune envie d’être gagné par ce sentiment ici, dans ce boyau infernal et crasseux sentant le renfermé. Heureusement, le jeune homme n’insista pas dans sa bêtise. Prenant la direction des ténèbres d’un de ces couloirs, il s’y enfonça et le blade runner le suivit sans un regard en arrière.

Enveloppé par les quasi ténèbres du boyau où s’étendaient de par et d’autre cables électriques, fibre optique et autre acheminement de la technologie où certains hackeurs devaient directement se connecter. Le réseau leur appartenait, aussi et surtout parce que aucun employé de Pinxit fourrait son nez ici. C’était des drônes qui assuraient la maintenance du service. Les drônes étaient sans nul doute facile à abuser. Et tant que les pirates n’étaient pas trop gourmand, Pinxit préférait détourner le regard, attraper de temps en temps un hackeur, l’embaucher pour mettre la main sur ses trouvailles géniales et en faire le dernier produit à la mode vendu à prix d’or. Kirill n’avait cure de tout cela, ce qui l’intéressait était la magie dont était capable ce jeune technomancien. Qu’il le libère de cette constante inquiétude d’être surveillé, de devenir à tout moment la proie qu’il traque. « Hâte oui, d’en finir avec cette histoire. Plus vite ça sera réglé, mieux ça sera. » grogna presque le blade runner.

« On est bientôt arrivé ? » Plus pressé, tu meurs. Kirill n’était certainement pas subtil ni très sympa à premier abord, mais il n’était pas méchant pour autant. Cela se voyait comme le nez au milieu du visage que c’était un type ronchon et qu’il en fallait beaucoup pour qu’il soit de bonne humeur. Beaucoup ou une simple bouteille de Vodka. L’alcool rendait n’importe qui sympathique, Kirill en premier. Il avait déjà manifesté son goût pour l’alcool en demandant la première fois qu’il était venu le voir s’il avait de quoi noyer ses tracas. Il avait prétexté que ça faciliterait pour supporter la douleur imaginant qu’il utiliserait une espèce de gigantesque seringue ou un cable à connecter direct mais rien de tout cela n’avait été nécessaire ni même utile. Le jeune homme aurait pu se foutre de sa gueule mais il avait été plutôt sympa, même si, il restait une grande gueule. « Toi aussi tu dois être pressé d’en finir non ? J’imagine que ma présence doit pas être très agréable. » fit-il, essayant un peu de s’excuser au passage. Il avait conscience d’être un gros con. Parfois, il essayait de faire des efforts. Parfois.

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source ft Kirill Lvov

Marchant derrière le technomancien, le blade runner éprouvait quelques difficultés à masquer son besoin d’en finir. A contrario, l’autre semblait gouter cet instant. Kirill pouvait le comprendre. Le jeune hackeur faisait son travail et devait vraisemblablement aimer cela en dépit du fait que son client était boudeur, taciturne et certainement pas quelqu’un de bien. Mais lui-même aimait la chasse, il aimait la saveur que cela lui laissait, il aimait sentir le frisson du danger quand il réussissait à acculer l’une de ses cibles et quand bien même, il était devenu lui-même une de ces horreurs, un mutant, il continuait à aimer ce qu’il faisait. En dépit de tout. Parce qu’il était bon là dedans, parce qu’il savait ce qu’il faisait, parce qu’il sentait que son talent serait gâché ailleurs. Pouvait-il blâmer le jeune homme d’éprouver la même chose ? Non, bien sûr que non ! Cette pensée arracha à Kirill un sourire amusé accompagné d’un roulement de pupilles vers le ciel. « Si tu le dis. » répondit-il doutant ceci dit que c’était bel et bien le plus bel endroit de la terre. Dans un élan de mansuétude envers celui qui allait le libérer de ses chaînes, il songea qu’il pourrait offrir au jeune homme une balade dans des endroits vraiment sympa contrairement à ce cloaque à l’odeur douteuse.

A dire vrai, Kirill avait trouvé le jeune hackeur plutôt sympa. Il se doutait qu’il compensait comme n’importe qui le ferait avec un client, on se débrouille en général pour qu’il aime le voyage. A l’exception de Kirill qui exerçait un job où il pouvait se passer d’être sympa avec ses clients. De toute façon, ces derniers allaient finir en enfer, alors, autant leur facilité le voyage en se montrant exécrable, désagréable, user de son pouvoir, et en profiter. De facto, il ne savait plus trop se comporter avec civilité. Se montrer sympa, sourire, plaisanter, c’était des choses qu’il ne faisait jamais, et donc, ne savait plus faire. Sans doute n’avait-il jamais fait l’effort, jamais eut à le faire. Il considérait que sa vie était assez merdique pour qu’on lui pardonne de ne pas faire l’effort. Enfin, il l’imaginait plus jeune, aujourd’hui, il s’en fichait de ce que pensait les autres. Personne ne faisait l’effort d’être sympa autour de lui alors, pourquoi n’en ferait-il pas de même ? Aussi tenait-il à préciser au jeune homme qu’il n’avait nullement besoin de faire tous ces efforts avec lui. S’il voulait être taciturne, désagréable, se passer de la politesse, qu’il se fasse plaisir. « Je n’en doute pas, au moins je ne mords pas. Enfin, pas pour l’instant. Les jours de pleine lune, c’est une autre histoire ! » plaisanta-t-il. Ceci dit, c’était pas loin d’être vrai. Lors des nuits de pleine lune, il sentait la déchirure s’exprimer contre sa volonté, et par conséquent, s’enfermait afin de protéger son secret. Il pourrait profiter des Ires mais craignait que quelqu’un le voit.

« N’empêche que, t’es pas obligé de faire des efforts, te montrer sympa, poli, tout ça. Avec moi, y’a pas besoin de mettre les formes si tu vois ce que je veux dire. » ajouta-t-il en adressant un clin d’œil au jeune homme. Sans nul doute que ce dernier avait remarqué que Kirill ne faisait aucun effort ou presque, et que pour lui, c’était le stade ultime de la politesse que de pas rembarrer aussitôt son interlocuteur.