Fin de journée, elle regagnait ses quartiers après avoir traîné toute l’après-midi au port en quête d’un boulot, d’une commande ou au mieux, d’un truc à récupérer. Une journée étonnement calme pour elle qui avait l’habitude de courir d’un coin à l’autre pour livrer ses colis et ses messages. Ce qui lui fit penser qu’il lui faudrait faire réparer son vélo. Mais pour ça, encore fallait-il trouver une chambre à air pas trop rapiécée, au caoutchouc pas trop fendu. C’était toujours la même histoire avec tout ce bordel que les gens balançaient dans la rue, les pneus de vélo y passaient les uns après les autres. Encore étonnant que la peste n’ait pas pointé son nez, avec toute cette merde….

Enfin d’un côté, le temps des rues bien proprettes avait disparu depuis longtemps. Une fois de plus, elle songea à cette moto qu’elle avait envie de s’acheter, mais pour ça fallait de la thune, beaucoup ! Et pour le moment toutes ses économies passaient dans son traitement. Elle regarda ses poignets, manchettes de cuir qui cachaient ses bracelets, cette arme si puissante, mais à double tranchant, un peu comme ce vieux grigou de Rumpelstiltskin qui vous promettait de réaliser l’un de vos vœux mais pas sans contrepartie…..Elle l’avait vite appris à ses dépends.

- Hey putain fais gaffe !

Tara bondit pour éviter le coup réflexe du gars, après avoir heurté la jambe de ce type affalé sur le trottoir, trop bourré ou trop shooté pour regagner ses peinâtes, si encore il en avait une…. Elle lui jeta un regard en biais sans même répondre et se concentra sur ses pas et sur sa route. Tara gagna bientôt le Old Town et ses rues pentues, son animation de fin de journée, avant de bifurquer en un courant d’air sur sa droite vers une entrée noire et profonde, bouche des enfers qui menait au QG.

Des escaliers plus tard, son de ses pas léger grimpant les marches quatre à quatre, elle débarquait enfin dans l’antre de leurs petites affaires. Amoncellement de gagdets en tout genre, des étagères qui ne tenaient que par la peur de tomber, des objets aussi hétéroclites qu’utiles et un bureau en plein milieu comme si quelqu’un s’était dit que ça ferait chouette dans le décor. Sans parler du fauteuil, THE fauteuil du boss. … vide.

Ok rien d’anormal jusque là. Tara regarda autour d’elle. Ce n’était pas la seule pièce de leurs locaux, y’avait d’autres, avec un peu plus de bordel à chaque fois.

- Al ?

Elle tentait le coup au cas où. Peut-être avait-il pris la bonne résolution de faire de l’ordre ? Nann, il laissait ça à ses subalternes. Elle avisa alors une assiette pas terminée sur le bureau et ses pupilles se dilatèrent tel celle du prédateur ayant repéré  une proie. Elle mourrait de faim, n’ayant rien graillé depuis…. Depuis une éternité, ce que son estomac confirma par un gargouillis beaucoup trop sonore.

- Chef ? appela-t-elle encore, plus doucement cette fois. Elle avait peut-être une chance de s’emparer de ce précieux butin.

Je devais trouver des pièces pour réhabiliter ce logement mais encore plus urgent, je devais trouver un scientifique qui pourrait m’aider à transformer ma culture de micro algues en biocarburant. J’avais sous les yeux cet article que j’avais déniché dans les lowlands, mais face aux explications qu’il donnait j’étais complètement démuni. Je tapais du poing chaque fois que je bloquais devant ces pages, comme si mon cerveau était vide de tout savoir et que les mots lus étaient vide de sens.

Alors, aujourd’hui, plutôt que de me prendre la tête, j’ai décidé de faire du rangement. En effet, les lieux devenaient plus qu’étroit pour stocker tout ce qu’on pouvait trouver d’utile. Heureusement pour nous, j’avais réussi à dégoter une serrure et à rafistoler toutes les entrées, mais surtout à consolider tous les murs. On évitait ainsi la plupart des casses qu’il y avait partout dans le ghetto, de gens complètement désespérés.

Tous ces objets, nous les trouvions dans le ghetto ou alors je les ramenais des lowlands. D’ailleurs, il y avait deux combinaisons anti radiation accrochées derrière mon bureau. Bureau qui ne me servait que pour ranger les papiers actuels que j’utilisais pour faire mes plannings, mais plans ou encore mes contrats. D’ailleurs, j’espérais qu’un contrat serait bientôt conclut avec le Syndicat pour avoir un laisser passer de réhabilitation des habitations situées au niveau des Docks.

Enfin, à vouloir mettre de l’ordre je m’étais complètement perdu dans l’une des pièces de la maison. Enfin de l’appartement. Là, il y avait quelques stocks de nourriture, des objets de mécanique, des babioles type horloges, des tissus pour faire des rideaux, des cadres photos, des cartons avec des jouets… En fait, je crois que je pourrais ouvrir un magasin avec tout ce qui se trouvait ici. Malheureusement, les gens n’avaient pas les moyens d’acheter quoi que ce soit et tout était monnaie d’échange ici. Parfois, même, je ne ramenais pas mes trouvailles ici et je les donnais directement dans la rue. Je n’étais pas adhérant de la Résistance pour faire du profit de mes capacités, bien au contraire.

Tout ça pour dire, que j’étais si perdu dans les objets que je n’avais pas entendu Tara entrer, ni même m’appeler. Cela me fit penser que je devrais peut être installer un système d’alarme archaïque qui me permettrait cependant de ne pas être surpris.

"AYE BORDEL !" criai-je alors en me prenant un carton sur la tête parce que je m’étais relevé trop rapidement et m’étais cogné la tête dans une étagère.

« Salut Tara ! »

Cette jeune femme était sympathique et surtout fort serviable. Dès que j’avais une course à faire, elle était dispo et dès que j’avais besoin d’aide en secrétariat, elle m’apporter son soutien. C’était une personne très utile. Elle faisait le lien entre d’autres personnes et moi. Ça m’aidait plutôt bien.

« Qu’est-ce qui t’amène perturber mon rangement ? »

Là, elle allait être surprise ! Moi qui remettait toujours à plus tard le rangement ou qui m’arrangeait toujours pour que quelqu’un d’autre le fasse à ma place, là je m’y collais enfin. Après tout, ça m’aidait à maîtriser ma nervosité et surement à empêcher ma déchirure de s’activer. Imaginez si elle s’activait dans ce lieu ? Ça m’est déjà arrivé et franchement je me suis maudit ce jour là.

Le regard de Tara quitta aussitôt l’assiette dès qu’elle entendit du bruit venant d’une pièce du fond.  Finalement elle n’était pas aussi seule qu’elle aurait pu le croire. L’assiette était là pour le lui prouver non ? Avec une grimace à peine marquée de dépit, elle se tourna vers Al’, son visage reprenant aussitôt son expression impassible dès qu’elle le vit.

Et sa répartie sur le rangement eut effectivement le don de la surprendre. Elle ouvrit de grands yeux surpris, perdant son air imperturbable, et le dévisagea de la tête au pied, histoire de voir s’il ne se fichait pas d’elle et s’il y ‘avait des preuves qu’il disait vrai. Hum mouais, il était couvert de poussière. Pendant un instant, elle oublia pourquoi elle était venue, perturbée par cette découverte. Mais ça ne dura pas. Tara se reprit très vite et attrapant une petite toupille qui trônait sur le bureau, la fit tourner en regardant ses jolies couleurs.

- Navrée de te déranger en plein boulot.

Mais ses excuses n’avaient pas une once de sincérité, elle n’était pas navrée, et il le savait. Elle soupira après cette ennuyeuse journée, mis à part une info qu’elle avait envie de partager mais peut-être était-il déjà au courant ?

- Rien de particulier... j'en avais assez de traîner. Tu es au courant pour le nouveau convoi ? Y’a des bruits au marché qui disent qu’il y en a un important qui va arriver bientôt, mais personne ne sait de quoi il s’agit. Enfin de ce que j’en sais. Juste qu’on en parle…. Une rumeur quoi.

Son regard bleu perçant sonda celui d’Allanon, guettant sa réaction. S’il était au courant, il aurait peut-être quelque chose à lui dire, une info à partager, juste pour satisfaire sa propre curiosité. Le reste il savait qu’il pouvait compter entièrement sur sa discrétion.

- Mais bon, qui dit gros convoi, dit grosse escorte. Et sans doute qu’on ne verra rien passer…

Ou pas ? Nouveau regard à Al. C’est qu’à force de fouiller la ville, y’avait plus grand-chose à se mettre sous la dent pour échanger au marché noir ou ici pour leurs petites affaires. Du reste, y’avait ce type dont elle avait oublié le nom qui leur avait parlé d’une commande de bois pour retaper son bunker. De la récupération de bien entendu. Sauf que du bon bois ça aussi, ça devenait une denrée rare. Le gars allait devoir proposer un truc aussi rare en échange s’il voulait qu’Al se penche sur cette affaire. En plus faudrait transporter tout ça, bref, c’était pas le genre de contrat qu’elle aimait, même si elle, elle restait seulement une exécutrice qui aidait dans la livraison ou parfois aidait à trouver ce qui manquait.  Comme cette histoire de convoi, si quelque chose s’organisait, elle n’était vraiment pas sûre qu’Al en face partie et donc par extension, elle non plus.

[milles excuses tarounette pour le retard !!! je sais pas ce qu'il m'est arrivé !! vraiment pardon ! ]


Je sais que je pouvais paraître étonnant des fois, mais peu étaient les gens qui pouvaient le constater car peu étaient les gens qui m’approchaient. Non seulement je devais cacher ma déchirure au maximum mais en plus j’étais tellement à l’ouest niveau relations humaines que je crois que la fuite était de rigueur lorsqu’on se frottait à moi.

Bref, heureusement, Tara n’était pas de cet acabit et elle m’était aussi fidèle qu’utile. Elle permettait à l’association bien des choses de par son côté fouine qui entend tout à tout moment. D’ailleurs, j’étais quasiment sûre que si elle venait maintenant c’était pour me donner l’une de ses informations très essentielles. Seulement, j’espérais que ce ne serait pas du boulot pour moi, je ne savais plus où donner de la tête ces derniers temps.

Je ne pus m’empêcher de constater la lassitude dans son regard et dans la position de son corps. Ce serait le sujet de discussion suivant si jamais elle n’y venait pas toute seule. Bien que peu loquace à mes moments, je pouvais être aussi paternel que gentil. Etais-je un type méchant ? Je me le demandais moi-même parfois, de toute manière. J’étais plutôt le type difficilement soudable. D’ailleurs, en parlant de ça, je ne laissais aucune émotion paraître quand elle m’annonça le passage d’un convoi important. Non pas que ça ne provoque pas une once de curiosité mais je n’aimais pas être un livre ouvert. Avoir une certaine part de mystère aidait à être plus surprenant et donc à prendre par surprise, ce qui était un atout non négligeable dans mon boulot. Bref, tout cela me donnait certaines idées, mais Tara n’en n’aurait aucun indice.

« Merci Tara pour cette info ».

Mon ton était neutre. Et puis, pour lui faire comprendre que je n’évoquerai rien d’autre à ce propos avec elle, je passais au sujet suivant.

« Tu as l’air fatigué Tara… Tu as peut-être besoin de repos non ? A moins que tu perdes espoir peut-être ? »

Mon ton était plus doux mais je restai toujours aussi fermé. J’avais du mal avec les émotions, la tendresse et tout ce qui s’ensuit. Je n’étais pas habitué à échanger avec les autres non plus… enfin j’avais travaillé ce point pour ‘l’association et la résistance quand même car il n’était pas pratique d’être un homme de Cro-Magnon dans ces domaines. Si j’avais pu faire de l’association quelque chose, c’était grâce à mon pouvoir de conviction.

« Cela dit, si tu veux bouger un peu plus. J’aurais besoin de toi sur une mission un peu plus dangereuse mais nécessaire. De l’infiltration chez les Pirates, ça te tente ? »

J’avais une idée derrière la tête certes, mais je ne pouvais pas forcer quelqu’un à le faire pour moi. Cela dit, ce serait très profitable et on perdrait beaucoup moins de temps ainsi. A voir si la jeune Tara serait partante ou non. Je l’observais tout en allant du côté de la cuisine pour faire une tisane. C’était assez archaïque quand on voyait les ustensiles que j’utilise, mais très pratique dans le sens où ça me donnait un certain confort de vie. Je pris deux tasses et attendis simplement son retour.

Elle avait beau sonder son regard, observer son attitude, elle savait qu’elle n’obtiendrait pas la réaction escomptée, comme par exemple de l’intérêt ? De la curiosité ? Un regard qui aurait simplement trahi que la nouvelle pouvait l’intéresser. Mais peut-être était-il déjà au courant et peut-être qu’il n’avait pas envie d’en parler avec elle. Chose dont elle ne s’offusquerait pas, c’était ainsi, y’avait pas à en discuter s’il ne voulait pas en discuter. Elle espérait seulement que par extension, à un moment ou un autre, ce que ramenait ce convoi allait aider leurs petites affaires, faciliter les échanges ? Ramener de la marchandise pour débuter de nouveaux trocs ? Allons, pas trop d’espoir à la fois. Tara n’était pas du tout du genre à se bercer d’illusion.

Alors au final quand il la remercia, elle plissa les yeux un instant, pas parce qu’il y avait manqué de réaction, mais parce qu’il la remerciait. Ou alors était-ce une façon aimable de lui dire « ça t’regarde pas » ? C’était bien plus probable, bien plus le genre d’Allanon. Mais tout de même, le merci la surprit. Tant et si bien qu’elle se contenta d’un hochement de tête, au lieu de raconter un truc idiot, une de ces politesses qu’on était sensée faire en échange d’un merci. L’affaire était donc réglée, il n’y avait plus à en parler. Dommage.

Tara se détourna du bureau pour aller s’intéresser à une boîte d’outils sur l’étagère, quelques vieux tournevis, une clé, un marteau. A troquer peut-être contre d’autres pièces. Mais ça ce n’était pas à elle de le définir. Sauf quand elle faisait des échanges sur le tas, une occasion parfois qui se présentait quand elle faisait des trouvailles ici ou là.  Aussi la question d’Al’ la prit au dépourvu. Elle reposa la lourde clé, et se tourna vers lui, le visage grave, voir un brin soupçonneux. Il s’inquiétait pour elle ? Elle finit par lâcher un bref rire narquois.

- De l’espoir ? Est-ce que j’ai l’allure de quelqu’un qui se fait des illusions ? ou alors tu parles du convoi ?

Là il y eu un réel brin de sourire mais qui disparut aussitôt. Elle le provoquait sachant qu’il avait décidé de clore ce sujet-là. Aussi pour le rassurer, embraya-t-elle sur la première partie de la question.

- Fatiguée, non, pas spécialement, enfin on doit tous l’être un peu. Disons que c’était surtout une journée mortelle. Rien déniché, pas fait d’affaire, rien. Des fois j’en viendrais presque à espérer voir les Blades Runners.

Mais elle ajouta très vite.

- Je plaisante.

Ok, l’humour de Tara laissait à désirer. Et enfin comme s’il avait deviné ses pensées, il proposa exactement ce dont elle avait besoin… un peu d’animation !

- Ouais bouger un peu plus, c’est ça !

Elle lui lança alors un regard de biais, mais avec une nette lueur d’intérêt.

- De l’infiltration ? Rien que ça ? Hmmm et chez les pirates, il faut que tu m’en dise plus ! Fit-elle en s’installant sur la chaise face au bureau de Kane.

Tara était toute disposée à l'entendre parler de cette histoire de pirates. Sur ce coup au moins se montrerait-il sans doute plus bavard que pour l'affaire du convoi. Peu lui importait le danger, du moment qu'elle avait des trucs plus intéressants à faire que de ramasser des déchets dans les rues et livrer des messages. Quoique certaines livraisons restaient intéressantes.