L'antre de la folie

Viondra & Moïra

Dans le dédale de New Town, au milieu des ruelles si étroites qu’on les appelait des coupe-gorges, en vérité, ils l’étaient, fatals, se trouvait les laboratoires clandestins tenus par le clan des Stösser. Fut un glorieux temps pas si lointain, Moïra dirigeait cette branche. Sous sa houlette, le syndicat avait pu produire des améliorations plus poussées que celle de Pinxit (mais moins sûre, fallait choisir), des zombies (plus accro encore et plus véloce que ceux de Pinxit) et même, des drogues de synthèses qui vous faisait planer des jours durant en vous rendant plus fort que Superman. Tout ceci était vendu à prix d’or. Mais le syndicat n’exigeait pas d’argent. De toute façon, personne n’en possédait par ici. Non, ce qu’ils demandaient c’était un engagement, de la bouffe, de la chair fraiche, au fond, c’était votre âme qu’ils voulaient. Les habitants du ghetto leur appartenait, vous comprenez ? C’était ça le véritable enjeu, posséder cette cité vérolée, s’engraisser sur sa maigre carcasse. Certains rêvaient de s’emparer de la citadelle, de la détruire, de la dépouiller, d’autres se contenteraient de transformer le ghetto en une cité prospère. Mais l’ambition demeurait de taille. Celle de Moïra était moindre. Elle voulait juste continuer à créer de nouvelles drogues, à parfaire les zombies, à continuer sur ses projets de fontaine de jouvence, à savoir agir directement sur le vieillissement des cellules. Moïra voulait rivaliser avec Dieu. Ce n’était pas pour rien qu’on l’appelait Franky, comme Frankenstein, le savant fou qui avait créer une créature impossible.

Nichée dans son laboratoire souterrain où perçait difficilement la lumière du jour, elle se terrait là à déployer sa fabuleuse intelligence sur ses recherches aboyant suffisamment sur les intrus pour qu’ils sortent de là avant même d’avoir eu l’occasion de la déranger. De toute façon, seuls les plus fous avaient vraiment envie d’y mettre les pieds. Son laboratoire était une antre étrange et insolite. Outre les bocaux contenant des organes, dents, fœtus et autre trouvailles que lui ramenait Viondra, il y avait d’innombrables machines scientifiques appartenant à des époques très variées dont certaines étaient carrément des pièces de musées digne de figurer quelque part à la Citadelle plutôt que dans cette pièce blanche où tout était de verre, transparent, et de métal, argenté. Aux murs, des radios décoraient la pièce, des portraits de scientifiques fascinant la propriétaire des lieux, de Nicolas Telsla à Darwin, jusqu’à quelques photos iconiques comme celle de l’Alien de la zone 51, celle du Loch Ness, ou encore des photographies de freak show. C’était une vraie caverne d’ali baba dévouée à la science et à ses mystères où l’on côtoyait aussi bien l’horreur, la déviance humaine que les plus hautes avancées de l’humanité. Dans un coin, un crâne décomposé d’Archandroïd reposait, visiblement recyclé en lampe, démontrant le peu d’affection que la scientifique de renom possédait pour la technologie qu’elle boudait ostensiblement même si elle ne pouvait nier une certaine fascination pour elle.

Ainsi installée derrière son microscope elle observait les effets de l’injection qu’elle venait de donner à des cellules souches d’un très ancien virus disparu depuis longtemps mais que des scientifiques avaient décidé de garder juste au cas où la maladie reviendrait. La variole avait disparue complètement. Mais Moïra en détenait suffisamment pour créer une pandémie. Les Stösser avait accumulé des maladies aux noms imprononçables dans le but de créer un chantage avec la citadelle et ainsi la rançonner. Mais le triumvirat n’avait pas accepté leur projet. Pas pour le moment. Chaque branche, chaque clan avait ses propres idées sur la manière de traiter avec la citadelle, mais quasiment tous voulaient la même chose au fond. Pourtant, la guerre n’était pas ouverte. Sinon les deux molosses devant la porte d’en haut ne laisserait pas passer une blade runner. Viondra avait ses entrées ici. Elle était pour ainsi dire une vip. Ancienne patiente de Moïra du temps où elle officiait comme simple médecin posant des améliorations clandestinement, elle avait gardé un lien spécial. Il faut dire que les cadeaux qu’elle ramenait quasiment à chaque fois réveillait le cœur froid et endormi de la savante. Celle-ci reconnaissant les pas de son amie ne releva pas tout de suite les yeux, impressionnée par la vélocité de la variole, mais accueilli néanmoins la nouvelle arrivante. « Tu m’as ramenée quelque chose ? » demanda-t-elle avant de finalement lever le nez de son œuvre destructrice.

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