Sortir dehors, avec cette brume, rejoindre le QG des Blade Runner pour se voir ordonner de sortir, de rester dehors dans le brouillard. Il avait senti l'odeur viscéralement mauvaise, cette odeur de souffre, cette puanteur infectieuse. Et puis sa gorge était devenue douloureuse, puis ses poumons. La toux sèche menaçait à chaque quinte durant plus d'une minute de lui arracher sa trachée. Ils lui avaient donné un masque à gaz mais il n'y voyait plus grand chose avec. Et pour ce qu'il devait faire, surveiller les rues adjacentes, traquer tout mutos qu'il verrait, tout dvoïnik rebelle, de ceux qui se faisaient appeler les Nouveaux Barbares. Au QG ils leur avaient remis en tête les célébrités de ce groupuscule.

Justement, il venait d'en repérer un. Il n'essayait même pas de se cacher, il avait juste un foulard sur le nez, un chapeau ridicule sur la tête, et il donnait des ordres à une petite bande de brigands. Etait-ce tous des dvoïniks ou exploitait-il simplement le chaos de la situation ? Kirill n'en avait pas la moindre idée, mais il avait l'occasion de frapper fort, et d'arrêter un dvoïnik recherché, une célébrité locale. Il s'avança doucement, essayant d'être discret. Ils étaient 6 en tout, un amélioré dans la bande. Pouvait-il les maîtriser tous ? Il senti qu'il n'était pas seul, tournant la tête il cru reconnaitre quelqu'un...

Il avait mis un foulard sur le bas de son visage et avait plissé les yeux comme beaucoup de monde. Son bras droit en qui il n'avait jamais eu aucune confiance lui avait proposé un masque à gaz qu'il avait refusé d'un simple signe de tête. Ca avait été une belle connerie. Il était sorti à « l'air libre » et déjà, ses poumons avaient manifestées leur désapprobation. Il avait toussé, une fois, deux fois. Il n'avait pas regretté. Il avait assumé avant d'armer son Tokarev sans nom et de réajuster son costume sur ses épaules. Implacable et froid. L'inverse de cette ville qui était parti en un désordre sans nom pour un petit peu de fumée. Il n'en savait pas plus que les autres pour le moment et il avait eu besoin de savoir, il devait garder toutes les cartes, connaître tout les coups. Ne pas se laisser déstabiliser. L'arme au poing et des balles à ne plus savoir quoi en faire dans les poches, il s'était avancé dans la mêlée. Non loin de lui ses hommes se séparaient pour couvrir le plus de terrain possible. Les confrères du Corbeau avaient voulu « sécuriser la zone », lui s'était servi du chaos ambiant pour en apprendre plus. Ses hommes l'avaient admiré, il avait souvent entendu ses subordonner l'appeler « le prince du peuple » mais il ne leur donnait pas une once d'importance. Il avait des réponses à trouver et tout était bon.

Il avait jeté un regard circulaire autour de lui et analysé rapidement la situation. Sa galerie d'art n'était pas dans ce quartier, il n'avait pas grand chose à protéger. Rien ne lui tenait vraiment à cœur, il était un homme d'action et protéger des bâtisses vides juste parce qu'elle appartenait à la mafia rouge n'avait pas beaucoup de sens dans un cas de force majeur comme celui de ce jour la. Il devait savoir ce qu'il s'était passé.

Dans le brouhaha invisible, Lloyd eut une nouvelle toux avant de remarquer un groupe de trois personnes qu'i ne put identifier. On n'y voyait rien. Il s'était approché et avait finalement reconnu un visage. Un trafiquant d'implant avec qui il n'avait eu, pour le moment aucune relation. Cet homme travaillait pour la Bratva et ca s'arrêtait là. Il s'était approché encore un peu, jusqu'à pénétrer sans le cercle pour enfin voir les visages. Une Gunm, un Blade Runner et le trafiquant. Une équipe de choc.

-Messieurs, Madame.

Il avait posé son regard froid sur chacun des visages.

-Je vous souhaite bonne chasse dans ce joyeux bordel.

Il avait chargé son arme.  

Les yeux de Kirill se posèrent sur la silhouette familière de l'AX9. Il ne conservait pas de bons souvenirs de leur première rencontre, mais vu les circonstances, il ne pouvait pas faire la fine bouche. Il était seul, enfin, s'était cru seul face à un ennemi potentiellement de taille. L'aide de AX9 ne serait pas de refus, il fallait être dingue pour refuser l'aide d'une machine surtout quand on avait affaire à un amélioré de compétition. « Je ne m’y attendais pas non plus, mais je suis content d’être tombé sur vous. » Ce serait peut-être la seule parole positive qu’il aurait pour elle, mais celle-ci était sincère.

Leur échange aussi rapide soit-il avait attiré le regard des pillards, qui s’étaient figés peu à peu, pour les regarder. Leur chef leur jeta un regard assez long, comme s’il les jugeait. Les reconnaissaient-ils ? Une machine et un blade runner corrompu ? L’une ne masquait même pas sa nature, l’autre ne cherchait à masquer sa débauche… ils devaient former un spectacle assez pitoyable. Quand un troisième personnage s’ajouta au tableau. Lvov le reconnu immédiatement, le repo qui s’était attaqué à l’un de ses vieux amis. L’envie de lui en coller une le démangeait encore à cet instant, mais comme pour l’AX9, il ne pouvait faire la fine bouche. « Un plan ? Qui a parlé d’un plan ? » fit Kirill amusé en regardant le leader du petit groupe qui à présent les dévisageait comme s’il devinait ce qu’ils étaient. Le silence s’était fait dans la ruelle, comme le calme avant la tempête. Il ne manquait plus qu’un dernier personnage pour que la pièce puisse commencer, et le drame se jouer.

Le Blade Runner serrait son arme dans sa main, il n'aimait pas le regard que lui jetait ce Dvoïnik aussi n'attendit-il pas qu'il les attaque, il s'élança le premier, tenant le canon de son arme dans la main, il voulait frapper le Dvoïnik, sentir sa chair se déchirer et ses os craquer, il avait besoin de laisser la violence s'exprimer et après tout, c'était le fog, le choas, qui irait se plaindre de violence policière un jour pareil ?

Spoiler:

A peine le claquement de son arme avait retenti que tous avaient d’étalés pour s'attaquer aux cibles potentielles qui pullulaient. Le Corbeau avait observé l'attaque réussi du Blade Runner, le léger échec de la Gumn et le véritable échec de son collègue mafieux. Il avait jeté un regard froid à la scène, sans jugement, sa conclusion et il avait toussé une nouvelle fois. Cette faiblesse humaine l'avait insupporté. Ce brouillard l'handicapait, il n'était pas libre. Sa vision était limitée les alentours étaient flous. Du coin de l'oeil il pu même entrapercevoir un humain semblait il, trébucher sur un trottoir avant de s'étaler sur le bitume. Le visage lui était familier. Il l'avait déjà croisé. Le Parrain l'avait regardé se relever maladroitement et s'épousseter avant d'être à nouveau bousculé. Il était trop loin pour que Lloyd puisse clairement l'identifier, la fumée et l'agitation bloquait tout. Mais il avait vraiment clairement vu la lame du repo man se coincer dans l'un des bras du pillard qu'il avait attaqué plus tôt.

Le Mafieux y avait vu une occasion en or. La mafia rouge pouvait revendre ces implants à prix d'or et ce Repo man, vu la manière dont il s'était presque jeté sur lui, devait le savoir. Il avait déjà armé son arme et visait comme il pouvait, les pieds fermement ancrés dans le sol, l'arme pointée sur le bras d'où dépassait l'arme. Il avait de nouveau toussé. Et il avait tiré.

Il avait une total confiance en ses capacités de tireur mais le Fog promettait de le gêner jusqu'au bout.

Surpris d'avoir réussit son coup, Kirill mit quelques secondes à réaliser que son adversaire était K.O. Les réflexes revinrent vite néanmoins, et il sorti assez vite les menottes qu'il passa au chef de la bande, un type recherché qui lui vaudrait sans doute une prime. Le fait de passer les menottes l'empêcha de voir les actions de ses acolytes. Cela valait sans doute mieux, il aurait été assez insupportable par la suite avec ses vannes sur leurs respectifs échecs. Enfin, s'ils survivaient au fog et se revoyaient, évidemment.

Se relevant, il n'eut même pas le temps d'épousseter sa longue veste en cuir sombre que deux types le regardait l'air mauvais. Un troisième en arrière plan s'enfuyait sans demander son reste. Kirill sourit aux deux lascars en jouant avec son arme de service qu'il continuait à utiliser pour assommer, frapper et non tirer. Aussi proche, c'était risqué de voir l'arme se retourner contre soi et d'éventuellement finir sourd comme un pot. Ils étaient deux, l'un d'eux un dvoïnik, et il était seul, enfin presque. Il senti l'adrénaline monter en lui, sa déchirure prête à se déclencher. Tant pis, le fog le rendait quasi invisible. Il oublia un instant la présence de la machine non loin de lui qui repérait sans le moindre doute pourtant le changement subtil mais néanmoins présent en lui.

Dans l’ensemble, l’assaut initial avait été un échec. Malgré la neutralisation du leader du groupe,  il restait encore beaucoup à faire avant de pouvoir considérer la mission comme accomplie. La machine avait été programmée pour aider les organiques, mais il fallait d’abord qu’elle se sorte elle-même du pétrin. AX9 envisagea un paramétrage des protocoles de combat qu’elle effectua aussitôt.
Soudain, parce qu’elle avait été conçue pour ça, elle détecta immédiatement la transformation que subit l’inspecteur Lvov. Ces protubérances ne ressemblaient en rien à des améliorations cybernétiques : il s’agissait de l’effet brutal d’une déchirure d’un dvoïnik. Ses systèmes de paralysèrent une fraction seconde. En terme organique : un serrement de cœur. La nature de Kirill l’affectait profondément, et elle s’estimait heureuse d’avoir à affronter des adversaires d’abord, autrement, elle n’aurait pas su quoi faire du cas Lvov.

Deux hommes l’encerclaient. Elle attendait en silence qu’ils soient les premiers à attaquer : c’était sa technique de défense. Le dvoïnik lança la charge en premier, il était excessivement rapide, mais AX9 l’était également. L’autre se rapprochait également, AX9 calcula le temps qu’il lui restait avant l’impact et l’écart qu’il y allait avoir entre le premier et le deuxième homme. Le dvoïnik adverse tentant de lui asséner un puissant coup de poing : AX9 se servit de son bras comme point d’appui pour sauter par-dessus lui. Et quand l’autre arriva pour déployer une lame de son armure mécanique, le Gumn eut à peine le temps de se courber totalement jusqu’à former un angle à 90° avec le sol, la lame effleurant alors son visage. En se relevant, elle espérait que les deux hommes soient plus faciles à attaquer individuellement.

Spoiler: