Electric Dreams

Kirill Lvov & @Auxilia Zaslavsky

I’d rather be a killer than a victim.
Rôdant dans les couloirs du QG des Blades Runner, Kirill était en quête d’une Gumn. Il essayait d’être discret dans sa recherche, de la trouver par lui-même. Ainsi il s’évita la salle de repos où trônait la machine à café et un canapé à l’hygiène douteuse, une Gumn n’avait besoin ni de repos ni de café. Il se rendit à l’armurerie espérant l’y trouver après avoir sondé les bureaux. Il savait que la salle d’entrainement était pas loin, si elle n’était pas à l’armurerie, elle serait probablement à l’entrainement. Il savait pour sûr qu’elle était pas en mission aujourd’hui ni à Pinxit pour remise. Elle y avait été les jours précédents, ceux qui avaient suivit le Fog.

A présent, tout le monde était d’accord sur le fait que ça avait été un beau bordel et qu’il fallait mieux se remettre au plus vite au boulot, oublier cet incident douteux même si les rumeurs les plus folles courraient à son sujet. Entre ça et les élections, les gens avaient de quoi se mettre sous la dent, et surtout, de quoi papoter des heures durant. Typiquement le genre de conversation que Kirill exécrait au plus haut point. C’est pour cela que lui non plus n’était pas un habitué de la salle de repos qu’il évitait soigneusement. Il n’avait pas envie de faire ami ami avec des types qui si ça se trouve allait le pourchasser et l’enfermer dans quelques semaines, mois, an… il ignorait combien de temps il lui restait avant de finir au même endroit que ceux qu’il avait attrapé pendant toutes ces années. C’était aussi pour régler cette question, ce doute insidieux qu’il était là.

A leur première rencontre, il était persuadé d’avoir cerné AX9 en deux secondes. Clairement, elle était là pour l’évaluer en prétendant n’être que là pour observer. Cependant, la fin de la mission s’étant soldé par la mort d’un blade runner l’avait poussé à se poser quelques questions à son sujet. Et puis il y avait eut le fog. Durant cet événement, elle l’avait vu utiliser sa déchirure. Il n’avait pas le moindre doute à ce sujet. Pourtant, il était encore libre. Elle aurait dû en faire mention dans son rapport, mais non. Pourquoi ne l’avait-elle pas balancée ? Un programme l’y obligeait non ? Kirill n’y connaissait rien en informatique encore moins en Gumn. Il avait toujours jugé ce programme stupide. Pour lui les machines ne comprendraient jamais comment fonctionnait un dvoïnik en fuite. Mais il s’était adapté à la situation, comme tout le monde. Essentiellement parce qu’il n’avait pas eu le choix.

S’il recherchait AX9 c’était pour en avoir le cœur net, pour savoir ce qu’elle voulait de lui, ce qu’elle comptait faire. Il ne pouvait pas rester comme ça à se demander quand elle allait le balancer, ou ce qu’elle allait exiger en échange de son silence. Il doutait qu’une machine puisse faire du chantage mais après tout, elle avait été programmée par des humains non ?

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Durant les événements du Fog, AX9 avait été contrariée de ne pas avoir a été optimale sur toute la durée de la mission, notamment sur ce qui avait touché aux réflexes et au tir. Il était donc question de veiller à améliorer ces points, si bien que depuis ces quelques jours, c’était tout ce qu’elle faisait au Q.G. Elle ne considérait même pas cette mission comme une mission accomplie, elle savait que la rencontre avec les mutants enragés soulevait plus de questions qu’elle n’en résolvait : il y avait encore du travail à faire. Seule au stand de tir, c’était le même exercice depuis ce matin : au signal sonore, elle s’emparait du pistolet et déversait ses minutions sur une cible placée à 50m du pas de tir. Elle continuerait ainsi jusqu’à son processus de calibration lui affirme qu’elle ne peut battre son meilleur temps.

Elle s’apprêtait à réitérer l’opération lorsque la porte du stand de tir se déverrouilla. C’était Kirill avec sa mine fatiguée et son teint blafard. Cet homme et elle partageaient une curieuse relation dont les fondations étaient faites de mensonges. L’observation au night-club, le Fog… Difficile de passer outre les étrangetés qui se sont produites durant ces missions. « Inspecteur ? » dit-elle pour le saluer tout en essayant de comprendre ce qu’il faisait là. Elle avait une hypothèse : malgré tout ce qui s’était passé, malgré ce qu’avait pu voir la Gumn, il était encore libre et en vie. Nul doute qu’il avait dû chercher à comprendre le pourquoi du comment, et que dans le processus, il s’était sans doute rendu compte que la date d’action d’AX9 était bien ultérieure à ce qu’elle lui avait affirmé la première fois qu’ils s’étaient rencontrés. Très sincèrement, elle s’était préparé à cette éventualité, ce n’était qu’une question de temps.

Déposant son arme, elle toisait Kirill du regard, comme si les raisons de sa venue étaient écrites sur son visage. « Je peux faire  quelque chose pour vous ? » dit-elle en sachant pertinemment qu’elle ne faisait que retarder l’inévitable. Elle n’avait pas spécialement hâte de révéler tout un tas de choses, elle n’avait pas réellement envie de dévoiler des défauts de fabrication absolument consternants et qui mériterait franchement un reboot complet de ses systèmes. Ça lui ferait du mal d’admettre qu’elle était imparfaite, sensible, vulnérable. Combien de temps allait durer ce petit manège ? Combien de temps encore pourrait-elle continuer de jongler avec ses allégeances et ses émotions avant se faire recycler ou même tuer ? La venue de Kirill, maintenant, ici, c’était le début de la fin.  

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Kirill Lvov & @Auxilia Zaslavsky

I’d rather be a killer than a victim.
Le regard du dvoïnik est vitreux, de par la fatigue des jours précédents, de par les doutes qui s’insinuent en lui, et ce sentiment qui le gagne de fatalité. Tout cela finira mal concluent ses pensées qui ne lui laissent pas une seule seconde de répit. Mais tout cela aurait pu finir plus mal. Il s’était cru finit quand les laborantins envoyés par Pinxit avaient fait les tests sanguins pour détecter un éventuel virus chez eux. Il pensait qu’ils verraient tout, de la prise répétée de drogue à la déchirure, et qu’il serait terminé. Mais personne n’était venu le foutre dehors. Personne n’était venu l’arrêter. Personne ne l’avait envoyé en camp. Il se demandait à quoi ou plutôt à qui il devait ce miracle.

Auxilia avait été là, avec lui, quand les test avaient été fait. Il l’avait regardé, avec un air désespéré et blasé à la fois. Avait-elle fait quelque chose à ce moment là ? Il n’en aurait juré. Parce qu’elle était une machine. Un humain n’aurait trouvé aucun intérêt à se mouiller pour lui. Une machine encore moins. Auxilia avait été programmée pour le surveiller, il en était convaincu. Alors pourquoi n’avait-elle rien dit ? Pourquoi n’avait-elle transmit le rapport complet à son sujet ? Attendait-elle des preuves supplémentaires avant de l’envoyer en camp de régression ? Il en doutait. Ce qu’elle avait vu lui avait suffit. Les tests sanguin auraient compléter et confirmer ses affirmations. Mentir en revanche, même pas omission pourrait lui valoir cher.

Il ignorait ce qu’il faisait là. Une erreur de jugement pourrait amener AX9 à reconsidérer toute l’affaire, à regarder sous un autre angle ce qui s’était passé durant le fog. Pourtant, il y avait ce blade runner qui avait tenté de la piraté qu’elle avait tué. Ce pourrait-il que ce soit elle qui ait des choses à cacher ? La machine avait-elle prit le pas sur ceux qui la programmait ? Ou bien avait-elle son propre programme ? Ses pensées l’amenaient trop loin. Il planait complètement et sans avoir rien prit. Décidément, il partait de plus en plus en vrille ces derniers temps.

Ses yeux se posèrent sur AX9 qui le salua en le détaillant longuement du regard tentant sans doute de comprendre la raison de sa présence. Fait pas tout foirer, mec ! s’intima-t-il. La Gumn posa son arme. Il se sentait plus rassuré qu’elle soit désarmée même s’il savait qu’elle pouvait lui faire plus de mal avec ses caméras et sa connexion haut débit au poste de contrôle. A n’importe quel moment, elle pouvait le balancer si elle le voulait. La question étant pourquoi ne l’avait-elle pas encore fait ?

« Bonjour Auxilia. » Il la regarda avec un sourire qui se voulait bienveillant, sympathique, même si sa sale gueule fatiguée devait donner un air déformé à ce sourire. « Tu as l’air en pleine forme. » Contrairement à toi. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu’il se laissait de plus en plus aller. Si elle ne le balançait pas, le chef finirait par le virer pour incompétence et danger pour autrui. « Est-ce qu’on pourrait parler ? » demanda-t-il, préférant se la jouer cool et détendu pour le moment. Montrer le stress qui courrait en lui en plus de son désespoir c’était hors de question, il lui restait un soupçon de fierté.

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Auxilia était encore loin de connaitre cet homme tout à fait par cœur, mais le calme inhabituel dont faisait preuve Kirill était largement suffisant pour lui confirmer que la discussion à venir correspondait à ce qu’elle attendait. Se pouvait-il qu’il soit totalement sobre ? Il ne ressemblait à rien à l’homme qu’elle avait rencontré dans le night-club. Impassible, AX9 le laissait terminer. Elle était bien heureuse de ne pas être humaine et ne pas avoir à dissimuler sa surprise, sa curiosité : là, son visage restait neutre et son regard vite. Évidemment qu’il était là pour parler, jamais elle n’avait envisagé qu’il puisse venir sur le pas de tir pour s’entrainer, c’eut été bien trop pratique et terriblement suspect autrement. La Gumn jeta un rapide coup d’œil en direction de la caméra de surveillance située dans un coin de la pièce avant de tendre une arme à Kirill. « Prenez une arme inspecteur. Vous êtes encore sous observation. Pas par moi. Ils auront besoin de croire que vous êtes venu vous entrainer.»

Cela ne servait plus rien de le cacher, lui-même s’en doutait peut-être ; et en lui dévoilant cela, AX9 espérait se présenter comme une alliée. Elle n’avait pas encore pensé que c’était la peur qui pouvait faire venir Kirill à elle puisqu’elle-même ne connaissait pas ce sentiment, elle avait été programmée comme cela. Tout du moins, c’est ce qu’elle croyait il y a peu de temps encore. Plus que la peur de mourir, la peur de ne pas avoir suffisamment et correctement servi la tiraillait un peu. La peur de décevoir… Kirill, drogué, alcoolisé, ne devait pas spécialement avoir peur de mourir. Simplement, il souhaitait peut-être que cela n’ait pas lieu immédiatement…  Il voyait le nombre de ses ennemis grandir en même temps que sa fin approchait. Cela devait être terrifiant et passionnant à la fois. Sans rien dire de plus, elle se saisit de nouveau de son arme de poing et réitéra l’exercice de la journée.

Ce fut seulement au moment de recharger qu’elle décida de lui adresser de nouveau la parole. « Vous êtes venu pour parler. Parlez. » dit-elle d’un ton monotone. Cette question était également valable pour elle-même : que pouvait-elle réellement faire pour lui ? Était-il encore récupérable ? Son impressionnante mutation était-elle seulement contrôlable ? Guérissable ? Irait-elle jusqu’à le faire quitter le QG clandestinement ? Le docteur Zaslavsky, s’il apprenait qu’AX9 était aussi téméraire et têtue que le fut Shirel, se tirerait une balle dans la tête.

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Kirill Lvov & @Auxilia Zaslavsky

I’d rather be a killer than a victim.
L’inspecteur fronça les sourcils. Il ne comprenait décidément pas pourquoi elle l’aidait. Il avait l’impression qu’elle agissait comme une sorte d’espion ou d’agent double, la question était de savoir pour qui, pourquoi. Néanmoins, il saisit l’arme, bien décidé à ne pas l’agacer, et à jouer sur son terrain. Il se demandait s’il ne prenait pas un risque, mais à dire vrai, sans elle, il serait déjà enfermé quelque part ou réduit à l’état d’aberration comme les autres monstres de foire que gardait Pinxit sous la main. Il avait commencé à les étudier craignant d’être obligé de les rejoindre, de devenir comme eux, et pas certain au fond, de ne pas le mérité. Après ce qu’il avait fait à sa sœur. Après ce qu’il avait infligé à d’autres, comme lui, ayant muté, mais ne l’ayant choisi. Il n’avait jamais cru au fond, qu’ils étaient une menace, pas plus qu’il ne croyait en ce système. Il avait simplement agit pour survivre. Egoïstement.

Le blade runner observa longuement la femme de métal. Qui avait-elle été avant de devenir un soldat de plomb ? Qu’avait-elle fait pour mérité ce sort ? Etait-il plus enviable que celui qui l’attendait ? Il se demandait, depuis que les Gumn avait été mis en service, s’il finirait comme cela lui aussi s’il mourrait en mission ou si on laisserait son cadavre reposer. Il ignorait ce qu’il préférait au fond. Kirill avait toujours envisagé la vie comme courte mais n’avait jamais désiré la réduire. Il faisait tout ce qu’il pouvait pour s’offrir une vie digne de ce nom, du moins, avait tenté. C’est pour cela qu’il était devenu inspecteur, Blade runner, parce qu’il pensait que cela lui donnait les meilleures chances de survie. A présent, il commençait à en douter. Rien ne le protègerait pas même cette plaque qu’il portait, ce flingue répondant à lui seul, ou même elle.

« Vous n’avez pas donné votre rapport complet, la dernière fois qu’on s’est vu. » murmura-t-il avant de lever son bras et d’enchainer plusieurs tirs. Tous touchèrent leur cible. Kirill faisait ce métier depuis si longtemps, et passait toute sa vie ou presque, une arme à la main. Il n’avait besoin de s’entrainer même si cela lui permettait de mieux réfléchir. « Pourquoi ? » demande-t-il toujours d’une voix trop basse pour être entendue par une oreille humaine distraite. Il s’était décidé à lui accorder sa confiance. Parce qu’il n’avait pas le choix. Elle savait. Il n’avait eu plus aucun doute après que les résultats soient revenus sans rien, et surtout avec un groupe sanguin qui n’était le sien. Il s’en était douté, avant, mais là, il n’avait plus aucun doute. La question était pourquoi.

Kirill se demanda, également, qui était ce blade runner qu’elle avait tué. La question restait en suspend avec bien d’autres. Mais pour obtenir des réponses, il fallait se montrer patient. Cela, c’était son job qui le lui avait appris. La plupart du temps, les réponses ne s’obtiennent par la force, à moins qu’on ne soit pressé par le temps. Mais il ne l’était plus, grâce à elle. Pour le moment, il avait encore une rallonge de temps. Dieu seul savait pour combien de temps encore…

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Il posa sa question en deux parties. AX9 ne répondit pas tout de suite, elle considéra d’un regard approbateur le groupement de Kirill et enchaina à son tour quelques tirs. Dans les jours qui suivirent le fog, elle avait lancé plusieurs simulations afin de trouver une explication satisfaisante à Kirill s’il devait lui demander quoi que ce soit. Mais maintenant qu’il se trouvait à ses côtés, aucune réponse ne se s’était montrée concluante ni même convaincante, et il était bien trop tard pour inventer quoi que ce soit. Il était cependant trop tôt pour avancer quelques hypothèses, si bien que la machine se contenta de donner une réponse entre-deux. « Je ne sais pas », souffla-t-elle. C’était la vérité, elle n’avait pas encore de véritable explication à donner quant à ses agissements qui allaient bien au-delà de sa programmation initiale.

AX9 pressa un bouton afin de réinitialiser les cibles. Alors qu’elle remplissait un nouveau chargeur, elle ne put échapper au regard pesant de Kirill qui n’allait évidemment pas se satisfaire de cette simple réponse. « Je suis aussi surprise que vous pouvez l’être : tout cela est nouveau pour moi, et ce, même si ma date d’activation remonte à plus longtemps que ce que j’ai vous affirmé la première fois que nous nous sommes rencontrés, mais il me semble que ça, vous vous en êtes rendu compte assez vite. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le sujet. » Mais quel était le sujet alors ? S’agissait-il de mettre en place un plan pour que lui, dvoïnik caché et elle, gumn incapable de se tenir à sa programmation stricte, puissent s’enfuir du QG Blade Runner dans lequel ils devaient désormais mentir chaque jour pour survivre ? Ou alors allaient-ils mettre en place une sorte d’accord qui stipulerait que chacun garderait le secret de l’autre ? Tout était flou pour AX9 qui choisissait désormais ses mots avec le plus grand soin. Nouvelle série de tirs, un raté.

« Franchement, je suis bonne pour la casse. Le rapport du fog a été envoyé, mais j’ai simulé une attaque pirate externe : la vidéo enregistrée par mes capteurs visuels a été fragmentée en milliers de fichiers, selon mes calculs, il leur faudra trois mois pour reconstituer le document initial. » Ce qui laissait finalement très peu de temps pour trouver autre chose : ce n’était qu’une solution temporaire, il fallait faire vite. Le visage neutre, elle observait les cibles au loin et s’apprêtait à tirer une nouvelle salve. « Oui, j’ai menti, j’ai mon petit secret avec moi qui m’accompagne. Mais… Et pour la première fois depuis le début de la conversation, elle dévisagea Kirill de manière inquiétante. Clairement, ce n’est pas moi qui cache le plus gros secret... »

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Le mutant, même s’il ne se percevait pas encore comme tel, c’était pourtant ce qu’il était, observa l’androïde dont les réponses l’étonnaient. La réponse. Je ne sais pas. Une humaine aurait répondu ainsi, mais une machine ? Il trouvait cela étonnant. Depuis leur première rencontre, il avait ce curieux sentiment à son égard. Oh elle se comportait bien de manière froide et mécanique, mais on aurait dit qu’elle suivait un protocole dont elle seule avait connaissance et à présent… il se demanda si elle pouvait lui mentir. Certainement. Il n’était pas Volkmar, pourquoi serait-elle obligée de lui dire la vérité ? Il ignorait en vérité s’il pouvait lui faire confiance, et tout lui indiquait que non. Tout excepté son comportement depuis le fog. Pourquoi ce changement ? Pourquoi soudainement cessait-elle d’être une menace pour lui ? Son instinct le trompait rarement. Il se demanda si c’était l’accident de voiture dont ils avaient été victime tous les deux. Peut-être que ça lui avait grillé des neurones. Et ça expliquerait la réponse évasive.

Kirill la regardait sans comprendre ou plutôt, redoutant de comprendre. Son esprit distillait une idée, une mauvaise idée. Quelque chose en elle débloquait, c’était évident. Et il ne pouvait que s’en réjouir puisque cela était à son avantage. Cependant, il craignait que le vent ne tourne. Et surtout, il aurait aimé une réponse. Il avait besoin d’une réponse. Se contenter de ces sibyllines réponses n’était pas possible, pas pour lui, dont la vie, l’existence, la tranquillité était menacée. Il avait besoin d’une vraie réponse. D’un je vais te balancer ou d’un je garderais ton secret. Il réalisa qu’il serrait si fort l’arme dans ses mains que ses muscles en étaient devenus douloureux. Lentement, il relâcha la pression. Ce relâchement s’accompagna d’un soulagement quand elle lui révéla avoir truqué son rapport visuel. Il se senti soulagé qu’un bref instant, car elle dit ensuite que trois mois était son délai. 3 mois pour trouver une porte de sortie. Il lui restait toujours les aberrations, s’il ne se trompait pas à ce sujet. Mais voulait-il vraiment devenir la chose de Taïsiya, celle qu’on appelait la mère maquerelle ?

« Je sais pas si je dois me sentir rassuré ou inquiet. » murmura-t-il sachant qu’il valait mieux n’attendre aucune aide de sa part. Cependant, quelque chose lui revient. Cette histoire de sang ne contenant pas le bon groupe sanguin. « Quelqu’un a mélangé les fioles de sang, quand nous avons passé les tests. Est-ce que je dois remercier la maladresse d’un laborantin ou je te dois quelque chose ? » Il avait dit cela en remuant les lèvres sachant qu’elle devait savoir lire sur les lèvres, c’était le genre de programme qui existait. « Est-ce que tu déconnes vraiment, c’est la question que je me pose. » fit-il en reprenant son arme et en tirant vers la cible en carton. Son arme était encore fumante lorsqu’il la posa sur la table à côté de lui. Il venait de vider son chargeur, geste à la fois nerveux et de soulagement. Il avait besoin de se défouler.

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@Kirill Lvov & Auxilia Zaslavsky

« Rassuré ? Inquiet ? Je ne sais pas… Simplement : reste sur tes gardes… » dit-elle en le tutoyant pour la première fois depuis leur rencontre. À partir de maintenant, les choses n’allaient pas aller en s’améliorant, ni pour elle ni pour lui, c’était bel et bien le début d’un long et tumultueux périple. Tout n’allait pas être une partie de plaisir, mais il y avait quelque chose de réconfortant dans le fait d’imaginer que contre toute attente, ils pouvaient compter l’un sur l’autre dans les épreuves qui risquaient de s’abattre sur eux. AX9 ne tira plus, à la place, elle s’occupa de l’entretien et le nettoyage du pistolet qu’elle venait d’utiliser. Elle jeta un nouveau coup d’œil à la caméra de surveillance ne pouvant s'empêcher de se demander s’il y avait quelqu’un de l’autre côté qui était en train de les observer ou si, dupé par leurs actions, ce quelqu’un s’était lassé et avait cessé toute enquête.

Évidemment, il avait relevé le mystère de l’analyse de sang lors du débrief des évènements du fog. Il avait eu chaud, très chaud même, et il était difficile pour le Gumn d’expliquer ce qui l’avait mené à prendre de telles décisions pour sauver Kirill. Là encore cependant, ce n’était qu’une solution temporaire, si quelqu’un se mettait à fouiller tout cela, la supercherie sera assez rapidement découverte. Presque humaine, AX9 lui sourit. « Qu’est-ce que tu préfères comme réponse ? Elle laissa un blanc en même temps qu’elle inspectait le chargeur de son arme. Tu ne me dois rien, je suis la seule responsable de mes actes. » dit-elle à voix basse, comme pour imiter le volume sonore de son interlocuteur. Pirater un autre Gumn à distance, fausser les résultats du laboratoire : tout ceci était très dangereux, sans mentionner le fait qu’il s’agissait évidemment de motifs suffisants pour condamner AX9 à un reboot, voire une désactivation définitive.

Kirill tira encore une salve. Son interrogation laissa la machine complètement inerte. La question qu’il se posait, elle se la posait aussi. Il était beaucoup trop tôt pour tirer une quelconque conclusion, AX9 devait se contenter de la seule chose qu’elle pouvait faire : s’observer. Dans les mois qui suivront, elle enregistrera de nouvelles données, entrera de nouveaux paramètres dans sa base de données et advienne que pourra. Peut-être était-il temps de se confier à quelqu’un qu’elle n’avait pas vu depuis des années ? Kitsyne comprenait mieux que quiconque les Gumn, peut-être aurait-elle des théories quant aux agissements d’AX9. « Seul l’avenir nous le dira…  dit-elle tout de même pour ne pas laisser Kirill sans réponses. J’imagine que tu ne veux pas trop parler de… ta condition ? »

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Kirill éprouvait le besoin de savoir, le besoin de sécurité. Cela provenait sans doute de son enfance, de son père violent, ou du manque de sécurité et de confort de son enfance. Il avait bâti sa vie qu’il avait maintenant en laissant sa sœur finir en camp, en se montrant aussi égocentrique qu’on pouvait l’être, prêt à vendre père et mère. Il s’était battu bec et ongle pour obtenir ce poste, pour le conserver, et à présent, il avait le sentiment d’être un animal acculé. Au moindre faux mouvement, il pouvait basculer dans le vide. Il ignorait par quel miracle il était encore là, pourquoi on ne l’avait pas encore chassé.

Plus cette conversation surréaliste continuait, plus il était gagné par le sentiment qu’elle y était pour quelque chose. Pourquoi l’avait-elle aidée ? Pourquoi se mettait-elle en danger pour lui ? L’idée qu’elle puisse simplement dérailler ne tenait pas debout pour Kirill. Personne n’avait jamais risqué sa vie pour lui, personne n’avait jamais rien mis en jeu pour lui. Jamais. Il ne pensait pas qu’une machine fasse plus qu’un humain, se montre plus humaine qu’un autre humain. Impossible. L’idée était délirante. Comme celle de discuter de sa survie avec elle, ici. Il prenait conscience que tout cela était hautement improbable. Peut-être était-il en train de rêvé à moins qu’il ne soit déjà en camp et qu’on lui ai simplement injecté quelque chose pour le calmer…

« Personne ne… aucun humain ne ferait cela. » répondit-il d’une voix éraillée, à moitié atone comme s’il n’était pas vraiment là. « Prendre la responsabilité de ses actes. » ajouta-t-il en la regardant. Il se demanda si elle était douée à ce point là, pour le rouler aussi facilement, et qui avait pu faire un programme aussi élaboré. Parce qu’il avait du mal à croire qu’elle prenait des risques pour lui. Et si ce n’était pour lui, comment un bug de la machine pouvait-il être autant en sa faveur ? Il n’en revenait pas, n’y croyait pas, mais il pouvait difficilement la contrarier, celle qui pouvait l’envoyer en enfer.

« Ici, certainement pas. Peut-être nul part d’ailleurs. » répondit-il à sa question. Il avait soigneusement éviter toute parole clairement compromettantes mais si quelqu’un écoutait leur conversation, il pouvait relier des points, finir par faire de fâcheuses conclusion. Ils avaient cessés de tirer depuis trop longtemps pour ne pas avoir l’air suspect. « J’ai besoin d’un verre. » lâcha-t-il en la regardant puis réalisant qu’elle ne buvait pas, il fit une grimace. « Tu as envie de sortir ? Prendre l’air, ça ferait du bien, en tout cas à moi humain qui sue lorsque je restes enfermé trop longtemps quelque part, ça me ferait du bien. » Au cas où quelqu’un écoutait quand même, et doutait encore d’eux, il ajouta. « Et puis ça nous permettra de voir cette affaire. » Il l’avait dit assez fort pour que sa voix puisse être captée si quelqu’un écoutait. On était à Moscou, quelqu’un écoutait forcément.

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Elle prenait tout juste conscience de la crainte qu’elle pouvait générer chez Kirill : elle ne passait pas par quatre chemins et disait tout haut ce qu’elle pensait sans réellement se soucier du poids de ses révélations. C’était pourtant logique : c’était une machine. Kirill s’attendait à des choix et des réponses logiques, à une réflexion numérique, mais certainement pas à de l’inattendu, de la surprise, de l’inhabituel. AX9 réalisé qu’il était trop tard pour le ménager de toute façon, qu’au point où ils en étaient, il était trop tard pour faire marche arrière. Le Gumn pressa un petit bouton qui déploya un petit robot monté sur roue, dont le but était d’aspirer les douilles qu’elle mènera ensuite au recyclage. Lorsque l’engin disparu, AX9 se retourna vers son partenaire Blade Runner en remarquant bien qu’il était encore dans le flou le plus total. Malheureusement pour lui, cela risquerait de ne pas changer tout de suite. « Je suis une très mauvaise humaine… », dit-elle en haussant les épaules.

Amusée par sa réponse, elle comprenait parfaitement la situation embarrassante dans laquelle il se trouvait. Il avait sans doute raison de prendre des mesures de sécurité supplémentaires et AX9 valida ses choix pas un hochement de tête approbateur. Il lui parla de prendre en verre, et immédiatement, elle se rappela leur première rencontre. Elle comprit immédiatement que la discussion ne se poursuivrait pas si elle n’accédait pas à sa requête, Kirill avait besoin d’être dans son élément. « C’est un rendez-vous ? demanda-t-elle timidement. Puis, un rictus s’afficha sur son visage, une expression peu habituelle chez elle. C’était une plaisanterie ! » ajouta-t-elle. Toute cette histoire la stimulait comme jamais si bien qu’elle ne put résister à l’appel de l’humour, loin d’être propice à la situation. « Très bien, mettons-nous en route. »

Soudain, elle s’immobilisa : le Gumn qu’elle avait piraté lors du debriefing du fog se manifesta à elle. AX9 s’immobilisa et fit signe à Kirill d’attendre. Tandis qu’elle recevait des données, son visage redevint inexpressif comme à son habitude : c’était comme si Kirill ou plus rien d’autre autour d'elle n’existait. « Il s’est passé quelque chose… Quelqu’un s’est rendu compte du changement d’itinéraire du Gumn que j’ai contrôlé pour te... sauver. Ils vont commencer à chercher la source. Aucune référence à la fausse analyse de sang par contre, tu t’en sors bien ! dit-elle en se saisissant du manteau de cuir qui était accroché quelque part vers l’entrée. Changement plan : nous parlerons plus tard, j’ai des choses à faire pour préserver mon intégrité. » Elle commençait presque à regretter de s’être mise autant dans le pétrin pour Kirill : cela ne lui plaisait guère de jouer la Blade Runner renégate, de trahir en quelque sorte sa maison, la raison même de son existence. Mais encore une fois : il était trop tard pour faire marche arrière. La porte coulissante s’ouvrit sans un bruit et juste avant de la franchir, AX9 se tourna vers Kirill. « N’essaye pas de me contacter. C’est moi qui le ferai. »