Bella huilait le torse de Killian pendant qu’Octave lui faisait le pitch habituel. Killian ne combattait que depuis deux mois ici, pourtant il était souvent blasé, usé par une routine qui s’était rapidement installée, sans doute parce qu’il combattait ici de manière très régulière.
En deux semaines, il était devenu la tête d’affiche en ayant accepté de faire des combats à morts, illégaux bien sûr, mais diablement bien payé, organisé par la mafia en collaboration avec le proprio de l’arène qui fournissait les combattants suffisamment fous pour se lancer de de telles entreprises. Bien souvent c’était des combats d’améliorés ou de doppelgangers, aucun banal humain n’osait y aller, sachant pertinament que les combattants pensaient tous s’en sortir.
Quoi qu’il en soit, à trois combats par semaine, il s’en tirait bien, il gagnait suffisamment pour pouvoir payer dans bientôt le détective privé dont il voulait s’offrir les services. Ce genre de denrée était rare et exigeait des sommes tout bonnement affolantes. Mais en combattant aussi régulièrement, il connaissait les us et coutumes de la maison par cœur.
D’abord il y avait Octave qui faisait le spectacle. Vrai comédien, il aurait pu devenir avocat ou président d’un quelconque club, son truc, c’était sa verbe. Capable de vous faire passer des vessies pour des lanternes, il était la pièce maîtresse de l’organisation. C’était lui qui vous convainquait d’aller faire un dernier combat, et vous finissez rapidement par comprendre qu’à chaque fois ça sera le dernier combat mais vous y allez quand même. Octave avait un don. Il savait convaincre. Il était doué pour vous persuadé en dépit de votre morale, de votre famille, de ce que votre raison vous dicte. Octave s’occupait des combattants.
Ensuite, il y avait les filles, pas vraiment du genre mignonnes et jolies, pas du genre poupée gonflables, la plupart sont rondes, plutôt fortes de caractère comme physiquement, ressemblant plus à des mecs qu’à autre chose. Les filles sont des masseuses pro. Elles vous remettent en place en moins de deux secondes, et en profitent pour vous glisser quelques techniques au cas où vous seriez juste du muscle sans cervelles. Techniquement, elles servent d’entraîneuses. Selon la rumeur, elles se combattent dans une arène secrète qui fait la fortune du patron. Mais, ce n’est qu’une rumeur, probablement sans fondement. Donc Bella, vous l’aurez compris, est la masseuse qui s’occupe de Killian ce soir.

« C’est pas un mutant que t’affronte ce soir, expliquait Octave. C’est humain, mais méfie toi, il n’est pas exclu qu’il soit pas mal amélioré, et puis il n’est pas de toute première jeunesse, il est peut-être plus vieux que toi mais il a aussi l’expérience. »
Killian écoutait que d’une seule oreille. L’information principale était pas un mutant, donc pas d’os poussant tout d’un coup, pas de risque de manifestation de déchirure qui pourrait faire passer les vieilles légendes sur les démons, les vampires et les loup-garous pour des contes de fées. Il n’aurait donc à priori pas de mauvaises surprises. A priori un combat classique, au corps à corps, avec ses poings et ses pieds, car bien évidemment il n’y avait presque aucune règle, c’était du street fight, pas de boxe ni du Kong Fu, le respect de l’adversaire venait du fait que l’un savait pertinemment que l’autre en face était comme lui, quelqu’un en galère qui faisait ça juste pour le fric.
Il hocha la tête en signe de compréhension.
Octave continua à blablater puis disparu, laissant le combattant seul avec Bella qui lui pétrissait les omoplates. Il ferma les yeux de contentement, laissant le calme du moment l’envahir. La plupart du temps, les combats étaient tout simple, suffisait d’enchaîner les coups, esquivés ceux de l’adversaire, subir le choc, et se relever. Ce n’était qu’une question de volonté. Mais parfois, la déchirure se manifestait ou voulait le faire, et dans ce cas, il devait fermer les yeux, la douleur l’emportait. Il ne pouvait que subir la déchirure. Mais dans l’arène il avait enfin l’impression de reprendre le contrôle sur sa vie, et c’était ça le plus important. C’était pour cela qu’il y allait.

Lorsqu’il pénétra dans l’arène, quittant le confort de ce qui lui servait de loge, une vieille remise qui sentait l’huile de moteur, il entendit d’abord le murmure de la foule réunit pour voir le combat, puis le brouhaha, les quelques applaudissement noyé dans des hurlements de bêtes sauvages. Parfois il se disait que l’arène n’était pas l’endroit le plus sauvage ici, au vu de l’état des spectateurs. Il observa consciencieusement son adversaire alors qu’il s’avançait, ses pas foulant le sable avec légèreté remuant malgré tout la mixture qui créer ainsi un léger voile de poussière. C’était la première fois qu’il l’affrontait, mais son visage lui était quelque peu familier, il avait sans doute déjà combattu ici. Pas le moindre souvenir de ses techniques en revanche, il allait devoir improviser. Il espérait seulement que son adversaire ne l’avait pas vu combattre ou qu’il n’en conservait pas de souvenir.
Un décompte commença, 5, 4, 3, 2, 1…
Comme toujours il attendit sagement, d’une part parce que ça rendait le public plus fiévreux et qu’on lui demandait de faire durer le suspense. Un combat coûtait cher, faites durer les temps de pause, le spectacle dure plus longtemps, ça rapporte plus, tout le monde est content. Puis il commença à marcher, sur le côté, comme s’il comptait tourner autour de son adversaire. Il se demandait quelle serait la stratégie de son adversaire. Il était âgé, plus âgé que lui, ce qui signifiait qu’il allait miser sur la technique plus que la force ou la résistance. Il redoutait une préparation pire une planification.

Killian avait affronté un sacré nombre d’adversaires et pourtant, il avait toujours l’impression d’être au premier épisode de la saga Rocky, tremblant à l’idée de tomber sur un poids plus lourd que lui, persuadé de perdre d’avance. Parce que avant d’atterrir ici rien ne l’avait préparé à une vie de combat dans une arène. Certes, il travaillait avec l’armée mais n’a jamais été contraint et obligé de suivre leurs entraînement, certes il avait plusieurs outils pour se musclé mais cela n’avait été uniquement dans le but de séduire des femmes, certes il savait se battre mais c’était son vieux père, un peu vieux jeu, qui lui avait apprit l’art de la boxe, et cela lui avait semblé être un jeu fort ennuyeux. Mais lorsqu’il avait dû combattre pour sa vie, échapper aux Blades et donc au camp de régression, il avait alors découvert en lui une force qu’il n’aurait jamais pu imaginer. La peur le tenaillait au corps, il est vrai, et l’instinct de survie avait joué, mais une rage inouie l’habitait. Ce fut à cet instant, et à partir de ce moment que ce sentiment naquis en lui, bien que présent auparavant il avait été reclu, ignoré et avait grandit tel un monstre qu’on tient éloigné de la lumière du jour et de tout contact humain ou animal, cette rage avait quelque chose d’animal presque de diabolique et s’exprimait à chaque fois qu’il lui en donnait l’occasion.

Devant son attaquant, il choisit simplement de lentement lui tourner autour, espérant ainsi paré plus facilement une attaque. Son adversaire lui avait une toute autre approche de la chose, il marcha sur lui, d’un pas tranquille et assuré, pressant un peu plus le mouvement à chaque pas, avant de s’élancer finalement son poing frappant le visage du mutant, qui n’esquiva que trop tard, le coup fit vibrer sa mâchoire et sa boîte crânienne sans cependant faire céder ni os ni muscle, ni même dents ce qui en revanche était plutôt une chance. Il para qu’à moitié le second coup, mais son adversaire ne lui laissant aucun répit le repoussa énergiquement, Killian veilla à ne pas tomber, ce qui ferait de lui une proie facile pour son adversaire qui était plus lourd que lui selon ses estimations. Le pied nu de son adversaire l’atteint à la machoire, il entendit ses dents grincer les unes contre les autres alors qu’un bruit léger se fit entendre, un morceau de dent se sépara de sa base et alla se délocalisé dans l’intérieur de la lèvre du mutant, s’enfonçant dans la chair avec éloquence, faisant aussitôt jaillir le sang qui fit prendre un goût métallique à l’intérieur de la bouche du mutant. Il se tourna aussitôt pour cracher le morceau de dent qui resta accroché, il dû passer sa main sur ses lèvres pour l’en décrocher.

De la bave dégoulinante mêlée à du sang glissait le long de son menton. Le mutant observait son adversaire, sa joue gonflée par le choc, sa lèvre en morceau pleine de sang, il avait une sale gueule et il en avait pleinement conscience. Ceux ayant parié sur lui devait commencer à se faire du mauvais sang.
« Me dis pas que je t'ai déjà fait mal.
Déstabiliser l’adversaire par des mots d’esprits ou des vannes, ce ne sont pas tous les combattants qui s’adonne à ce sport dangereux. En guise de réponse, Killian rassembla un gros tas de bave et de sang qui s’agglutinait dans sa bouche et le cracha au sol où la substance rosée colla au sable.
— Redescend sur terre. »
Autrement dit, arrête de rêver.

Killian avait étudié la situation. L’adversaire était plus fort physiquement plus résistant à parier, possédait visiblement une certaine technique, mais était assez vieux comparé à lui, peut-être plus lent du fait de son poids cumulé à son âge et à sa masse musculaire forcément plus lourde à déplacer que la sienne. Il commença à s’élancer, courir n’était pas le mot même s’il tentait de propulser son poids en avant le plus vite possible, c’était presque un bond, avec l’agilité d’un humain, sa déchirure ne s’exprimait pas dans ses muscles, pas ceux là en tout cas. Il se jeta littéralement sur son adversaire, se retournant au même moment pour tout simplement le plaquer. Killian avait un ensemble de technique, et assez peu étaient de vrais combattant, un mélange du reste de rugby pratiqué avec les gars de Pinxit tous les dimanche après midi, où il était pas très doué par ailleurs, pas assez lourd il se faisait emporté par les autres, mais doué pour lancer le ballon et surtout se faire draguer sous les douches. Il réussit plus ou moins son coup, déstabilisant tout du moins son adversaire, et l’amenant au sol. Position périlleuse car la situation pouvait s’inverser mais pour le moment il dominait. Un coup de poing fut assené dans la mâchoire de l’autre, ça c’était pour sa dent, un coup assené dans la cage thoracique, histoire d’affaiblir son adversaire mais de créer surtout une tranchée. C’était son truc, il tapait plus ou moins au même endroit jusqu’à blesser de manière irréversible son adversaire. Les gars ici ont souvent plusieurs boulots, si vous leur foutez en l’air des côtes ou une rotule, ils vont se retrouver incapable de bosser pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois en fonction de la gravité de la blessure. Un combat rapporte mais parfois pas assez.

Le mutant interrompit la salve de coup, rejetant sa tête en arrière, une grimace traversa ses traits alors qu’une douleur aigue montait le long de son nerf optique. Sa déchirure rugissait, prête à sortir, toutes griffes ou plutôt tout rayon laser dehors. Pour le moment, il pouvait encore la contenir. Pourquoi alors que cela pouvait lui servir à achever ce combat rapidement ? Parce qu’il ne tenait pas à tuer son adversaire.