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Pitié !, entendit Blayne depuis le sous-sol.
C'était la voix de son père. Enfermé au fond de sa cage qu'il occupait depuis son adolescence – plus exactement, depuis la révélation de sa déchirure – et nu, le jeune homme de vingt-cinq ans dormait autant que faire se peut quand il avait entendu du bruit au rez-de-chaussée de la maison. Ils étaient plusieurs à marcher d'un pas lourd au dessus de sa tête. Sauf un qui paraissait plus léger. S'il n'avait pas eu l'ouïe aussi fine que celle d'un canidé, il n'aurait probablement pas pu le discerner.
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Ne me tuez pas !, supplia une nouvelle fois son paternel.
Je suis utile à Pinxit ! Je suis un éminent chercheur pour l'entreprise et, je... -
T'es éminent pour que dalle, mon gars, le coupa une voix rocailleuse.
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Mais... Mes recherches... Mes expériences...Blayne grimaça. Les dites expériences avaient été réalisées grâce à son sang et son corps tout entier. Depuis l'éveil de sa Déchirure à ses seize ans, Blayne avait vécu la vie d'un cobaye dans le laboratoire personnel de son propre père. Il avait subi écorecharge, analyse sanguine, test de toxines et poisons divers et variés. Son géniteur avait même fait des tests de résistance à la douleur quand il s'était mis en tête de lui implanter une puce inhibitrice de douleur. Et même après, quand il fut évident que la puce fonctionnait, il avait continué à le torturer rien que pour le plaisir. Parce qu'il haïssait son fils. Ou plutôt ce qu'il était devenu : un mutant. Les soit-disant recherches et expériences n'avaient été qu'un simple prétexte pour le faire souffrir. La preuve en était que sous l'effet de la colère, son père l'avait une fois frappé si fort avec une batte de base-ball qu'il lui avait explosé la mâchoire. Résultat : Blayne se retrouvait avec une prothèse métallique.
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Volkov ! Volkov..., fit une troisième voix d'un ton doucereux. Ça n'a rien de personnel, tu sais ? C'est professionnel. Le grand patron a décidé que tu devais disparaître, alors on obéit[/color]
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Mais pourquoi ? Je n'ai rien fais !-
Oh, mais rien du tout. A part fricoter avec la Bratva.Il y eu un lourd silence, seulement troublé par les pas lourds, comme si plusieurs personnes se déplaçaient au hasard.
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La... La Bratva ?, balbutia le père de Blayne.
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Exactement. -
C'est vrai qu'ils m'ont contactés. Ils m'ont fait du chantage mais je vous jure que je n'ai rien révélé ou dit qui puisse nuire à Pinxit Industries ! Je n'ai pas cédé à leur chantage.-
Et qu'est-ce qui nous le prouve ? Peut-être as-tu une preuve à nous fournir.Le paternel n'émit que des balbutiements incompréhensibles que l'homme inconnu fit cesser sèchement d'une parole.
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La vérité, c'est que tu n'en as pas.-
Pitié !Il y eut un gros « boom », comme si on avait poussé quelqu'un et qui aurait renversé du mobilier en tombant.
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Blake, débarrasse-moi de cette charogne. Il me gonfle.-
Ah, tout de suite ! Quand c'est pas une fillette qui pleurniche, ça ne t'amuse pas.Le dénommé Blake avait parlé avec un fort accent américain. C'était la première fois que Blayne en entendait en vrai.
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Ta gueule... et fais ton boulot..., répliqua celui qui devait être le chef.
Les pas légers se firent à nouveau entendre au dessus de la tête de Blayne. Ainsi c'était donc cet américain qui se déplaçait aussi doucement... ? Blayne avait toujours imaginé ce peuple être de gros balourd sans cervelle à foncer dans le tas.
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Non !, cria le père de Blayne.
Ne me tuer pas ! Ne me tu...Il se tût dans un horrible borborygme que le prisonnier du sous-sol distingua à peine malgré son ouïe sur-développée. Il y eu un instant de silence puis le chef du groupe le brisa brusquement :
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Bon, bande de fouille-merde, faites-moi rêver. Le vieux a sûrement laissé des trucs qui valent le coup.-
Qu'est ce qu'on en a à foutre ? commenta l'américain.
Il est mort, t'façon. On a qu'à faire flamber cette baraque. -
C'est fou. Quand je parle de fouille-merde, t'es le premier à ouvrir sa gueule. -
C'est le propre des chiens. Fouiller la merde. -
Alors au boulot. Faut qu'on finisse avant que ces cons de Runners se ramènent.Blayne sentit une méchante angoisse monté en lui en les entendant évoluer dans le rez-de-chaussée. S'ils le trouvaient, ils le tueront. Or, Blayne ne voulait pas mourir. Cependant, si on le laissait là, il crèverait tout autant de faim et de soif... Pas très réjouissant...
Les pas lui indiquèrent que quelqu'un descendaient les marches du sous-sol. Le cœur de Blayne s'affola et il sentit son anxiété se transformer en quelque chose de plus... sombre. Comme une rage. Ça n'était pas la première fois que ça lui arrivait. Chaque fois qu'il avait peur, ou quelque chose l'angoissait... il avait ce besoin irrépressible d'attaquer. Comment il avait fait pour n'avoir jamais tuer son propre père, jusqu'à présent, il n'en savait rien.
La porte du laboratoire s'ouvrit, laissant entrer une flux de lumière qui agressa les yeux de Blayne encore habitués à l'obscurité de la pièce. Il dût cligner des paupières pour en diminuer les effets.
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Les gars ! Visez-moi ça ! s'exclama la silhouette que le jeune homme devinait à travers sa vue brouillée.
De nouveaux pas. Le type qui était entré s'avança plus avant dans le labo et regardait un peu autour de lui avant de s'attarder sur Blayne, qu'il avait déjà repéré. Si le mutant avait été réellement un loup, il aurait grogné et montré les crocs... Ce genre de regard – un mélange de dégoût et de... peur – horripilait Blayne. Son père avait eu le même.
Le reste de la troupe entra enfin, accompagné d'un type imposant qui dépassa les autres pour mieux voir. Il siffla en remarquant ce qui se cachait dans la grande cage posée à même le sol.
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Joli, commenta le type que Blayne identifia comme étant le chef.
Les autres ignorèrent le mutant pour l'instant, parcourant les tubes à essaie et autres appareils que constituait le labo.
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Putain de merde, s'exclama l'un d'eux en remarquant des objets encore tachés de sang séché.
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Il était sacrément fêlé, le vieux, ajouta un autre.
Un peu à l'écart, Blayne vit une silhouette vêtue d'un manteau noir se mouvoir sans bruit – ou presque – qui observait d'autres instruments avec curiosité. C'était l'américain? Se demanda le jeune homme.
Leur chef s'avança et s'accroupit devant la cage d'où le mutant le lorgna comme un animal prêt à bondir.
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Regardez-le comme il faut, les gars. Vous verrez jamais rien d'aussi pitoyable de votre misérable vie.-
Pitoyable, hein..., marmonna Blayne en lui-même.
A part l'américain, ils s'approchèrent de leur chef pour venir « contempler » la bête de foire nue et prisonnière de sa cage.
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Qu'est-ce qu'on fait, chef ?-
… on le bute ?-
Naaan, répondit simplement leur patron.
Cependant il ne daigna pas donner plus d'instruction.
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Ben alors quoi ?-
Putain ça vous arrive de fermer vos gueules ? Je réfléchis, s'énerva leur chef en se relevant.
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Autant que ÇA, ça arrive.C'était l'américain qui avait parlé depuis l'autre bout du laboratoire.Entre ses doigts gantés, il tenait une sorte de sonde. Son chef le dévisagea un instant.
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Tu ferais bien de pas toucher à ça, c'est le genre de truc qu'on te fourre dans le cul, lâcha-t-il.
L'américain grimaça et reposa la sonde avant de pousser tranquillement les instrument disposé sur la paillasse et s'y asseoir sans la moindre gène. Une fois installé, il alluma une cloque.
Ben tiens !, songea Blayne qui n'avait toujours pas prononcé un mot et qui se contentait de surveiller ces types du coin de l’œil.
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T'as un nom ? l'interrogea le chef qui s'intéressa à nouveau à lui.
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Ça a de l'importance ? Le type eut un méchant sourire qui déplut au mutant. Et entendre un des sbires murmurer « Il a une sale idée... » n'était pas pour le rassurer.
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Blake ! Ramène ton cul ! Les autres, libérez-moi cet enfoiré.Il s'écarta alors qu'un de ses hommes visaient la serrure avec son flingue. Le mécanisme sauta... et la porte s'ouvrit comme au ralenti. Sur le moment, Blayne réalisa à peine ce qui venait de ce passé. Mais une nanoseconde plus tard, il comprit qu'il était libre. Il ne lui fallut pas plus pour s'extirper d'un bond hors de la cage pour sauter sur le premier gars qui lui tomba sous la main, à savoir celui qui avait ouvert la porte de la cage. Cependant, le mutant fut soudain projeté en arrière et cloué au mur par de gros piques de glace bien fiché dans ses épaules.
Blayne leva les yeux vers celui qu'il avait attaqué. Il tremblait et la panique se lisait dans ses yeux tandis que ses mains étaient tendus vers l'avant.
Un autre mutant ? s'interrogea le jeune homme.
Il lorgna les piques de glace. Bien qu'il saignait, il n'avait pas vraiment mal. Juste une sensation désagréable. Il attrapa entre ses doigts l'un de ces clous improvisé et le brisa dans sa main avant d'un faire de même avec le second. Blayne glissa brusquement le long du mur mais à peine ses genoux touchèrent le sol qu'il se remit debout comme s'il avait été sur des ressorts, prêt à se défendre, malgré sa nudité. Le mutant n'attendit pas qu'on l'attaque en premier et préféra passer à l'offensive en premier. Il visa le chef mais celui-ci le repoussa. Ce qui n'était pas bien compliqué : sans vêtement, affaiblis et sans arme, Blayne n'avait pas de grandes chances contre des types entraînés.
D'ailleurs, les autres le maîtrisèrent facilement et le plaquèrent au sol pendant que leur supérieur s'allumait, lui-aussi, une cigarette.
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Blake !Blake les rejoignit enfin, trottinant presque, sa propre clope toujours au coin de la bouche et... des écouteurs sur les oreilles.
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Oui ? minauda-t-il, goguenard.
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Réduis ce connard en petits morceaux. -
Vous y arriverez mieux que moi...Perdant patience, le chef attrapa Blake par le col, faisant tomber au passage sa cigarette.
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Si tu contestes encore une fois mes ordres, je t'enferme dans cette cage à sa place. A poil. Et je lui donne tes fringues.-
T'es sûr qu'ils seraient à sa taille ?Agacé, le chef lâcha Blake et lui désigna le mutant toujours maintenu au sol. Blake soupira... et ramassa sa cigarette qui s'était éteinte.
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Fais chier...Il la rangea avec les autres dans le paquet sous le regard impatient de son supérieur qui tapotait du pied. Et finalement, il dégaina deux couteaux soigneusement rangé accroché à ses flancs.
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Essaie de pas trop me salir..., fit Blake à l'adresse de Blayne
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Je vais vous tuer..., grogna ce dernier.
On le libéra. Blayne se releva d'un bond et chercha à attaquer la première chose qui lui venait sous la main... Il s'avéra que c'était Blake. Celui-ci esquiva la prise du mutant d'un mouvement sur le côté... comme un torero. Au passage, l'américain lui fit une profonde entaille sur le flanc que Blayne ignora, trop obnubilé par sa cible. Comme un animal enragé,le mutant chargea son adversaire qui... esquiva encore une fois tout en lui laissant une belle entaille. Cela eut le don d'agacer Blayne qui ne désirait qu'une chose : faire payer celui qui l'avait blessé. Non pas que ça lui faisait spécialement mal – la puce inhibitrice de douleur faisait son office – mais personne appréciait d'être charcuté comme un vulgaire bout de viande. Ce type jouait avec lui !
A la troisième estafilade qu'il récolta, Blayne commença à anticiper les actions de son adversaire. Il continuait peut-être à frappe dans le vide mais au moins il parvenait à éviter les coups de couteau. Si bien qu'au bout d'un moment, Blake frappait lui aussi dans le vide. Autour d'eux, les gars se mirent à huer et insulter leur collègue. Le mutant n'y prêta aucune attention et profita d'un infime moment d'ouverture pour allier rapidité et force afin de charger son ennemi. Celui-ci ne s'y attendant fut plaqué violemment au sol.
Malheureusement pour Blayne, Blake réagit dès l'instant où son dos toucha le sol en lui balançant un direct du droit et un coup de genoux dan sle bas, ventre, manquant de peu l'entrejambe.
Le mutant fut propulsé sur le flanc et roula sur lui-même. Son instinct lui dictant de se relever le plus vite possible, il se mit debout dans le même mouvement. Il allait tenter une nouvelle charge mais... l'américain avait disparu. Pourtant, il sentait très clairement son odeur métallisée. C'est ce qui le sauva car l'odeur venait... de derrière lui. Blayne bougea juste à temps pour esquiver un coup de couteau, l'image de Blake réapparaissant comme si elle avait été brouillée. Blayne ne lui laissa pas le temps de répliquer. Il l'attrapa par le bras et le jeta contre un mur avant de l'y plaquer avec force. N'ayant que ses poings pour se défendre, le mutant rua le mercenaire de coups en poussant des cris de rage. Du moins, jusqu'à ce le genou de son ennemi viennent méchamment lui écraser les testicules. Sous le coup de la douleur, Blayne recula et bascula en arrière, des larmes aux yeux.
Avant qu'il ne pût reprendre ses esprit, il se prit une ruade en plein sur les côtes et un poids le maintint au sol.
Blake s'était mis à califourchon sur lui... et commença lui rendre les coups de poings que Blayne lui avait servi à l'instant. Des étincelles jaillir quand les phalanges de son adversaire frappèrent la mâchoire d'acier du mutant. Les gants de Blake se déchirèrent, révélant des mains en métal noir. Refusant de se laisser cogner aussi facilement, le jeune homme fit de son mieux pour éviter les poings en bougeant de gauche à droit le haut de son corps. Sous lui, le sol se fissura sous lui quand les poings de l'américain le touchèrent au lieu du mutant.Dans un ultime effort, Blayne se redressa et assena un coup de tête à Blake qui recula, à moitié sonné. Blayne en profita pour se dégager et l'attrapa à la gorge.
Il fallait qu'il le tue... Ce type était une menace. Il cherchait à l'assassiner. Blayne avait bien le droit de se défendre, non ? Cela lui donna comme une force nouvelle. Son instinct de survie le poussa à serrer, serrer, serrer bien que sa victime se débattait et le frappait là où elle pouvait. Ce soir, il commettrait son premier meurtre...
Du moins, c'est ce qu'il crut car quelqu'un le frappa à la tête, l'assommant à moitié. Blayne en lâcha Blake et fut rattrapé par des mains qui l'éloignèrent de l'américain qui toussait presque à en cracher du sang.
Un rire résonna dans le laboratoire.
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Putain !, s'exclama le chef du groupe.
J'en aurais presque joui. Tu lui a collé une de ces raclées !-
Foutez-moi la paix..., marmonna un Blayne encore groggy.
Le chef attrapa Blake par le col et tira le haut de son t-shirt noir pour exposer sa clavicule. Une étrange marque y était tatouée. Comme un logo. Blayne avait déjà vu ça quelque part, sur un papier de son père.
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Tu sais ce que c'est ?-
Pinxit Industries..., souffla le mutant.
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Exactement. On est un peu ses chiens d'attaque. Elle nous nourrit, nous loge, nous blanchit... Et en échange, on tue ceux qui l'emmerdent. Tu m'as l'air d'être un dur... Pour avoir manqué buter Blake, t'en es un. Et ça m'arrache la gueule de le dire : même si c'est un connard, il est bon.Blayne préféra ne faire aucun commentaire.
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Ça te dirait d'en finir avec ta vie de merde, et de nous rejoindre ? Promis, t'auras le droit de cogner cet enfoiré autant de fois que tu veux.Le jeune homme jeta un regard à Blake qui s'essuyait la bouche d'un revers de la manche. L'américain le dévisage également. Pendant un instant, Blayne hésita. Ces types, il ne les aimait pas. Vraiment pas. Mais au fond, que pouvait-il faire d'autre ? Un mutant de niveau 3 comme lui avait-il une chance de survivre seul dans ce monde ? Aucune.
En continuant de regarder Blake en chien de faïence, il songea qu'au fond... il pourrait peut-être s'amuser avec eux. Il ne peut retenir un sourire goguenard.
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Je marche.(Ecrit avec l'accord de Skylar Blake)